2012 64
2007 63
2006 62
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Avalanche de sorties Aredje. Les albums de La Smala et moi, Beticicloppp, René Binamé et Les Slugs. Un dvd de René Binamé. Et, en collaboration avec d'autres labels, un 45t de Mr Marcaille et un album de Visions of War. Et bientôt le nouvel album des Terrils en collaboration avec Matamore.
Interview fleuve de Jos alias Sok. Retour sur son parcours au sein de The Ex, mythique groupe hollandais dont il fut le chanteur pendant près de 30 ans.
Chroniques d'une sélection arbitraire de disques des bacs de la distro, celle qui nous accompagne en concert, dont le contenu est éclectique et parfois mystérieux.
BanqueRoute des Slugs. Les Slugs reviennent en trio, la basse dans les mains du chanteur, une nouvelle guitare et avec ce nouveau son, un nouvel élan et un nouvel album très réussi, pétillant et incisif.
The Leipzig band battle session de René Binamé. Un ovni, objet vinylique non identifié, hot cover only parce que le groupe a relevé le défi de préparer 8 reprises (disco hard rock soul boys band, pas n'importe lesquelles) pour un mémorable band battle au Zorofest à Leipzig.
Borgne Poussière de Beticiclopp. Un album et son livret de 32 pages A4, tous deux touffus, tout fous, multicolores et poly excités, tout un univers qui s'explose en un opéra queer punk et un délire graphique à plein de mains.
La vie s'écoule et sept plages de René Binamé. Le clip super 8 de la vie s'écoule et sept plages musicales improvisées sur ses rushes, 8 promenades dans une plaine de jeux fantomatique. Un dvd qui vit tout seul ou dans la pochette du repressage de l'album Le temps payé ne revient plus.
Un poing c'est tout de La Smala et moi, un album de chansons crues et tendres, rudes et vraies. Banjo et mandoline autour d'une base électrique, un côté folk, un côté punk, des accents ska.
On parle du Marcaille et du Visions of War dans les chroniques plus loin.
On attend le Terrils pour le 6 avril (soirée de sortie au cinéma Nova à Bruxelles)
Tous nos disques sont disponibles à la distro en live à nos concerts ou par correspondance, détails à la fin de cet aredje ou sur le site à l'adresse www.aredje.net/distro
Une interview orchestrée par Smerf et Alexis « nova ». Elle s’est passée dans le bar du Botanique, pas loin des Ateliers Claus, où Sok (ex-the ex) allait jouer avec Two Pin Din, c’est à dire Wilf Plum (ex-Dog Faced Hermans) et Andy Kerr (ex-No Means No). Une belle brochette.
Nous pensions simplement suivre l'évolution du groupe dans le temps: avais-tu fait quelque chose avant The Ex?
Dans le milieu des années '70 (j'avais 15 ou 16 ans) j'étais dans la même école que Terrie. J'étais un grand fan de Bowie, et lui de Roxy Music. Nous aimions qu'il y ait un peu plus que de la musique, qu'on sente moins un côté commercial. Les premiers albums de Roxy Music par exemple étaient très intéressants. On aimait l'énergie du rock, mais à l'époque régnaient des groupes comme Genesis, Yes, etc., qui jouaient dans des stades immenses, avec des installations gigantesques, et qui ne nous intéressaient pas vraiment. Et quand le punk est arrivé, on a retrouvé l'énergie et la simplicité qui manquaient à ce moment: un micro, un ampli et c'est parti. C'était sauvage, primitif, et accessible à n'importe qui: les gens qui dansaient à coté de toi un jour, se retrouvaient sur scène la semaine suivante.
Donc, on s'est dit que nous aussi, on devait s'y mettre. Ça a mis un certain temps, mais l'idée était là. J'ai d'abord rencontré Geurt dans mon école qui voulait jouer de la batterie, puis Terrie a rencontré René intéressé dans son école, ce qui faisait donc déjà quatre membres. Un jour, un type qu'on voyait parfois dans des concerts punks a annoncé à Terrie que des amis à lui organisaient un festival punk en août, et demandé si nous voulions y jouer. Il nous connaissait comme groupe: à ce moment, nous avions un nom, on le taguait un peu partout, mais on n'avait en fait encore rien fait musicalement. Donc, on a signé une espèce de contrat, puis on a réalisé qu'il faudrait écrire des chansons, répéter, trouver des instruments. Terrie s'est acheté une guitare, Geurt, le batteur, s'est acheté une petite batterie, moi un micro, et René voulait jouer de la basse, et s'est donc acheté une basse.
A ce stade, on avait deux mois pour composer et répéter. Le mois d'août est arrivé, et on a fait ce concert. Nous n'étions pas très bons, je pense, mais personne ne s'en souciait. Le concert a duré une demi-heure, il y avait trois autres groupes, on était un nouveau groupe, et voilà.
Ça, c'était la partie facile, on ne pensait pas encore à la suite. Mais on s'était rendu compte que c'était chouette de jouer de la musique, répéter, travailler sur les chansons... C'était assez facile de jouer au début, parce que les groupes plus anciens qui trouvaient des dates demandaient à des plus récents de les accompagner, et ainsi de suite. C'était bien pour nous, ça nous poussait à améliorer nos chansons, à répéter pour jouer au mieux (même si on jouait assez mal).
Après, on se rend compte qu'il faut s'organiser, pour répéter, se déplacer aux concerts, donc trouver une camionnette, un équipement valable, tout ça, et petit à petit le groupe se développe. Ensuite, pour faire des disques, il faut s'occuper de l'enregistrement et de la distribution soi-même, du moins si on ne veut pas signer chez des compagnies de disques qui ne sortent que de la très mauvaise musique. Pourquoi leur demander alors de produire une musique qu'ils n'apprécient pas? On a donc dû apprendre à faire tout ça nous-mêmes, ce qui représentait beaucoup de travail mais pouvait en même temps être très amusant. Ça nous a donné une idée de la possibilité de réaliser des choses ensemble. Ça nous a aussi donné une expérience, une vue sur ce qui était réussi ou pas, ce qu'on pouvait approfondir...
Est-ce qu'il y avait un lien avec un groupe comme Crass, ou était-ce une évolution parallèle?
Il n'y avait pas de lien direct, je ne les ai jamais vraiment rencontrés, mais je les ai vus en concert, et comme ils avaient commencé avant nous, qu'ils avaient plus d'expérience en auto-production, et que leurs trois premiers albums étaient des œuvres d'art extraordinaires, ils étaient certainement une source d'inspiration. C'était surtout pour leur manière de se diffuser eux-même, sans tout le côté commercial. Pas tant pour la musique, même si au début elles pouvaient se ressembler à cause de l'aspect ''primitif'' qu'elles partageaient. Nous voyions plus le punk comme une possibilité d'emmener la musique dans toutes les directions que nous voulions, et chez eux, je pense que les textes étaient beaucoup plus importants que leur évolution musicale. Ils voulaient principalement réagir à ce qui se passait dans le monde, et il y avait tant à dire: par exemple, le troisième album, que j'aime beaucoup, avec les chanteuses très présentes, et une grande ouverture de leur musique, est suivi par la guerre des Malouines (Falklands), et donc ils ont sorti un disque pour lequel ils n'ont sûrement pas eu le temps de renouveler leur musique. Nous concentrions plus notre intérêt sur la musique.
Si on peut le dire comme ça, eux faisaient passer un message au travers de leur musique, et vous jouiez de la musique qui contenait un message?
''Message'' est un grand mot, mais oui, je pense que pour Crass, il s'agissait de donner leur opinion sur la société britannique. Moi, j'écrivais les textes et là aussi, j'étais débutant. Mais comme nous vivions à Amsterdam, dans des squats, et qu'on y rencontrait beaucoup d'activistes, d'anti-militaristes..., que nous étions au milieu de ces mouvements sociaux, et que les médias ne reflétaient pas notre point de vue, et représentaient ce mouvement de manière négative (du bruit et des casseurs), le choix était fait: nous allions être notre propre média, et parler de ce que nous pensions et vivions. Cela dit, je ne voulais pas non plus être l'unique porte-parole d'un mouvement.
Oui, on sent de nombreux liens à l'époque aux Pays-Bas entre toutes ces personnes, de soutien mutuel, une grande efficacité, qui n'existaient pas vraiment à Bruxelles, par exemple.
Ça avait beaucoup à voir avec les squats. Beaucoup de grands bâtiments étaient squattés, et des tas de gens y lançaient des ateliers vélo, des imprimeries, des magazines, des magasins de vêtements, tout était possible. C'était exactement ce qui m'intéressait, pouvoir décider pour moi-même, et s'occuper de choses qui me semblent importantes. Bien sûr, en dehors du groupe, qui s'intéresse à notre musique? Mais pour nous c'était important, c'était notre moyen d'expression, de rencontrer des gens. Notre manière de nous organiser était similaire à celle dont d'autres s'occupaient de leurs lieux, dans plusieurs villes et pays autour de nous. Partout, il y avait de ces communautés, grandes ou petites, dans des situations très diverses, mais toutes formaient une grande communauté underground à travers l'Europe. On a commencé à jouer un peu partout aux Pays-Bas, puis à Berlin, en Suisse, en Belgique, et partout il y avait de ces gens qui essayaient de défendre une même forme d'indépendance. Donc, on avait des liens directs avec tout un tas de gens similaires dans tous ces endroits.
Peux-tu préciser comment ça se passait pour des lieux comme Villa Zuid, ou Emma's Koeienverhuurbedrijf ? Vu de l'extérieur, on avait l'impression d'une grande cohérence, d'une organisation très efficace.
Quand je suis arrivé à Amsterdam, pour mes études, je n'avais pas vraiment d'argent. Et pour trouver un logement, il y avait des listes d'attente de quinze ans. C'était comme ça pour beaucoup d'étudiants, et donc une solution c'était de squatter des immeubles vides, très nombreux à l'époque -comme encore aujourd'hui- au lieu de les laisser à l'abandon.
Des groupes de gens occupaient donc des usines ou des imprimeries, et au lieu de les détruire; ils retapaient les murs, les toits, les sols, réinstallaient l'eau et l'électricité, repeignaient et nettoyaient l'ensemble, pour ensuite y installer des logements, des ateliers (de peinture, de graphisme, ...). Tout ça fonctionnait bien, mais ce n'était pas forcément facile: tout le monde n'a pas la même implication, certains n'y sont que pour leur avantage personnel, mais ce sont des choses qui se règlent petit à petit. La bonne chose était que les gens étaient très motivés: on avait par exemple une ancienne usine ou une école, en pouvant y vivre à trente, et organiser les choses pour lesquelles on n'aurait autrement jamais l'espace nécessaire, ou l'argent pour le loyer. C'était donc économique financièrement, mais en même temps, c'était un investissement énorme en énergie. L'endroit où j'ai vécu pendant treize ans, avant mon logement actuel, était une ancienne école squattée en 1983: j'y suis arrivé dix ans plus tard, mais dans les premières années, il y avait tant à reconstruire que les participants devaient obligatoirement venir travailler le dimanche pour les travaux. Ça se passait donc comme ça, mais les gens l'acceptaient parce que c'était leur bâtiment.
Et ces gens se connaissaient au départ ?
Certains oui: au fil du temps se forme un mouvement, plusieurs maisons sont squattées: parfois, des concerts, spectacles ou des projections sont organisées. Beaucoup de gens s'y rencontrent, et échangent des idées, s'organisent ensemble: sur l'exemple des premiers squats, ils répertorient les bâtiments vides, vérifient les affectations dans les journaux officiels de la Ville, la raison de l'abandon, ... Finalement, quand les infos sont positives, ils investissent un immeuble. Reste à trouver assez de gens pour t'aider à squatter le lieu, et des gens pour y habiter et lancer des projets.
Parfois, ce sont des gens qui se connaissent, mais aussi des nouveaux, beaucoup d'étudiants par exemple qui ne se connaissent pas encore vraiment. Mais on se dit que si les buts sont communs, ça devrait fonctionner, ce qui n'est pas forcément évident. Trente ou quarante personnes n'ont pas toutes la même manière de s'organiser. Il y a un équilibre à trouver, ce qui ne se fait pas toujours: l'un s'en va, l'autre reste; il faut trouver des compromis. Mais le résultat pouvait être impressionnant: je pense à un lieu appelé Tetterode, une ancienne imprimerie où habitaient une centaine de personnes, avec des ateliers. C'était gigantesque, et ils étaient très bien organisés. Mais le propriétaire était un spéculateur, qui espérait juste revendre le bâtiment pour le profit, et voulait donc les évacuer. Là, les habitants du quartier ont réalisé que si le bâtiment était juste vendu plus cher, il ne s'y passerait toujours rien. En voyant que les squatteurs pouvaient être constructifs, ils ont commencé à les soutenir. Ceci a permis la légalisation de nombreux bâtiments.
Aussi, à la fin des années '80, il y avait beaucoup d'écoles occupées, et les autorités communales ont vu qu'elles étaient bien entretenues et organisées, et ont commencé à en légaliser une grande partie. Tu obtiens alors un accord sur trente ou cinquante ans, avec un peu plus d'intervention de la part des autorités locales, pour des questions de sécurité par exemple. Mais tu restes seul à décider des utilisations du bâtiment, et tu ne dois plus craindre une expulsion; tu payes par exemple un euro symbolique pour l'achat de l'immeuble, mais tu dois l'entretenir. A partir de là, tu payes un loyer qui permet de couvrir ces frais de réparation. Ça n'a pas trop dérangé les squatteurs, dans la mesure où l'idée était surtout de ne pas payer de loyer exagéré, plutôt que pas de loyer du tout. Et comme tu peux effectuer beaucoup de ces travaux toi-même, ou apprendre à le faire, plutôt que payer des ouvriers pour le faire à ta place, cette participation financière peut rester très basse. Et personnellement, je pense aussi que c'est plus amusant comme ça.
Quant à Villa Zuid, c'était un bâtiment à Wormer, où j'ai grandi (Terrie a grandi dans un village à proximité). J'habitais à Amsterdam à l'époque, et nous avions appris qu'il y avait un plan de démolition d'une très belle usine, ce qui nous a décidé à la squatter. C'était nouveau dans le village, et ça a causé un certain choc parmi les habitants, qui ont d'abord dû voir comment ça fonctionnait, les rénovations, l'entretien, tout ça, avant de se rendre compte que ça pouvait apporter du bon. Cela dit, les autorités tenaient toujours à nous évacuer, mais il y avait une forte opposition. Ça a donc pris beaucoup de temps, une dizaine d'années, avant d'être légalisés. Mais les jeunes du village appréciaient l'endroit, et ont aussi commencé à former des groupes qui se retrouvaient là. Et parallèlement, nous invitions des groupes que nous rencontrions en tournée, et qui dormaient sur place; d'ailleurs, Terrie aimait s'occuper d'invités. Tout ça rendait l'endroit très vivant, et l'a fait grandir naturellement. Il n'y habitaient que cinq à six personnes, mais bien organisées, qui ont su faire vivre l'endroit.
Pour revenir à la musique, comment se développe le groupe à partir de vos débuts plutôt punks (dans le sens d'être indépendants et de réaliser vos envies)?
Au départ, l'évolution était très logique: nous avons d'abord appris à jouer plus ou moins de nos instruments, mais comme nous n'écoutions pas que de la musique punk (nous aimions les Ramones, mais aussi Wire ou Talking Heads), et que tout était possible, nous avons commencé à élargir nos horizons musicaux. Nous voulions éviter le formatage d'une chanson pop ou rock traditionnelle: une chanson de dix secondes ou de dix minutes sont également valables, tant que tu y mets quelque chose de personnel. Ceci te donne une grande liberté d'exploration, et même si parfois ça ne te mène nulle part, à d'autres moments tu découvres une idée plus intéressante, et ça fait évoluer ton jeu. Et puis, nous ouvrir à de nouveaux styles musicaux a aussi beaucoup aidé: nous commencions à sentir un peu mieux ce que nous aimions, tel jeu de batterie, telle ligne de basse...
Plutôt une approche de musicien?
Oui, nous comprenions mieux ce que nous aimions, et pourquoi. Et nous pouvions ainsi adapter à notre musique ces choses qui nous plaisaient. Après, nous avons rencontré d'autres musiciens, de jazz par exemple, qui avaient une approche très différente de la musique, plus théorique, apprise au conservatoire. Nous avions une approche plus pratique, et avons aussi pu leur apprendre quelque chose. Ils avaient l'habitude de jouer des morceaux ponctués par des solos parfois très longs, pendant que les autres attendent pour jouer, ce que nous n'aimions pas beaucoup. Donc, quand nous jouions ensemble, nous demandions d'écourter ces solos, sinon nous les interrompions. Ça les poussait à penser plus vite leur musique et leurs improvisations. Nous avions un bon effet sur leur taux d'adrénaline, avec nos horribles guitares prêtes à interrompre le solo de saxo. De notre côté, nous avons appris à écouter davantage les autres instruments, à ajouter quelque chose au morceau sans rejouer toujours le même riff de guitare. Nous avons donc élargi nos horizons mutuels, et trouvé une liberté musicale plus grande que nous n'avions jamais pensé.
Finalement, c'est au travers de toutes ces rencontres avec des musiciens, mais aussi des squatteurs, que votre musique s'est développée?
Tout à fait, à partir du moment où tu t'ouvres à des influences extérieures, où tu les acceptes, tu peux évoluer très fort, et c'est ce qui nous intéressait. Faire vingt-cinq fois le même album avec les mêmes morceaux formatés, comme les Ramones, peut aussi être formidable. Mais c'est une idée qui, si elle a pu fonctionner pour eux, me semble très ennuyeuse à appliquer moi-même.
A partir de là, vous commencez à vous sentir plus ''artistes'', à prendre une place de musiciens ou chanteur dans la société ?
Dans les premières années, nous n'avions aucune vue sur l'art ou les artistes. Nous étions au chômage, et on ne regardait pas beaucoup plus loin que six mois devant nous, sans savoir si le groupe continuerait ou pas au-delà. Mais bon, un jour, les années passent, on est toujours là, et le chômage -pas très élevé- nous permettait de survivre; l'argent des concerts ou des disques était réinvesti pour les besoins du groupe (un camion d'occase, des cordes pour les guitares, ...), mais nous n'en gardions jamais pour nous-mêmes, ce qui nous permettait aussi notamment de payer les enregistrements suivants.
Et puis, un jour, vers 1989, The Ex avait fait une tournée aux USA, filmée pour un documentaire d'une demi-heure qui a ensuite été diffusé à la TV hollandaise. Et là, le bureau de chômage de Wormer nous a convoqués en nous demandant comment nous pouvions nous permettre un voyage aux Etats-Unis avec juste l'argent du chômage. Donc, on a dû expliquer comment ça s'était passé, que les gens nous invitaient, qu'ils nous aidaient à payer le voyage et les frais sur place, mais que nous ne gagnions aucun argent, au contraire ça nous en a coûtés, et qu'en outre nous les avions prévenus que nous prenions un mois de vacances. Mais bon, ça devenait petit à petit de plus en plus difficile de passer entre les mailles du filet, et à un certain point, après le disque avec Tom Cora, qui s'était très fort vendu, nous commencions à gagner pas mal d'argent, plus que jamais auparavant, et nous nous sommes dit que nous pouvions nous régulariser, et quatre d'entre nous sont alors devenus officiellement musiciens, pour éviter les tracas du chômage. Moi pas, je ne chantais pas sous mon vrai nom, et comme je vivais à Amsterdam, je pouvais me permettre de rester au chômage, ce qui permettait au groupe d'économiser un peu sur les salaires qu'il devait commencer à payer.
A partir de là, 1989-1990, nous avons admis que, officiellement du moins, nous étions ''musiciens'', mais ça ne changeait rien sur la manière dont nous nous voyions nous-mêmes. Mais bon, au cours des années suivantes, j'ai commencé à réaliser que, après vingt ans de The Ex, au lieu de marmonner vaguement quelque chose si on me demandait ce que je faisais dans la vie, même si je ne me suis jamais vu comme un artiste, musicien, chanteur, ou écrivain, je pouvais tout aussi bien répondre que j'en étais un. Je peux maintenant admettre que, comme certains écrivent des livres ou d'autres réparent des vélos, moi je crie dans un micro, ce qui n'est pas pareil que travailler dans un bureau, avec des rythmes très différents, des voyages, des rencontres, alors OK je suis artiste, bien que je ne le considère pas comme un travail: plutôt comme quelque chose que j'aime faire, dont j'ai vraiment besoin, même si en le disant je sens que ça fait un peu prétentieux. A part ça, je ne le vois pas comme quelque chose de différent de ce qu'un autre peut faire dans la vie.
Ne sommes-nous pas poussés par notre environnement, notre entourage, par la société en fait, à devenir « artiste ». Comment faire pour ne pas pas être assimilé à une catégorie ?
En fait, tu fais simplement ce que tu aimes faire, ou veux faire, pour moi jouer dans un groupe, organiser des concerts, etc. Nous avons la chance d'avoir eu un certain succès, particulièrement en dehors des Pays-Bas, nous étions un groupe relativement respecté, ce qui nous a permis de voyager pas mal. Alors, en Hollande même, sans y avoir joué tant que ça, c'est plus facile de me présenter comme musicien que comme quelqu'un qui fait un peu de ça par-ci et un peu de ci par-là, et d'expliquer que nous sommes notre propre compagnie de disques parce que nous nous occupons de tout nous-mêmes. Les gens ne comprennent pas vraiment ça, mais le trouvent intéressant malgré tout, parce que c'est complètement différent de ce qu'ils font, beaucoup moins sécurisant aussi (pas de salaire garanti, dépendre des ventes de disques...).
Et bon, comme nous n'avons pas besoin de grand'chose, nous vivons sans grosses dépenses, et comme ça il ne faut pas tant d'argent que ça pour vivre correctement. Je suis par exemple très bien dans le bar d'un squat, avec la bière à un euro au lieu de trois, même si je vais aussi ailleurs: j'ai des amis qui n'aimeraient pas ces endroits mystérieux pour eux, qui ne s'y sentiraient pas à l'aise, ce que je peux aussi comprendre, comme eux comprennent que j'y aille, parce que j'y suis habitué, que j'y vais toutes les semaines. Pour moi, si je n'avais pas d'argent, je serais très bien là-bas, en sachant que les gains éventuels que font ces squats retournent dans leur projet, ce qui est agréable.
Ce n'est pas si difficile en fait.
Est ce que tu t’y retrouves bien dans cette étiquette ?
Oui, officiellement, j'ai dû choisir une profession précise, je ne pouvais pas cumuler chanteur-graphiste-blablabla, et comme je ne me sentais pas musicien puisque je ne joue pas d'instrument, je suis devenu ''tekstdichter'' (''poète textuel'' ou quelque chose comme ça) pour l'administration. Ça me permet de monter sur scène, d'écrire, de faire du graphisme, ce que je veux tant qu'il y a des mots impliqués. Après, je ne dis pas à mes amis que je suis un ''poète textuel'': je suis Jos. Ils savent que je m'occupe de musique; à d'autres moments je sors les poubelles, mais je ne suis pas un musicien qui sort les poubelles, juste Jos, leur voisin. Je me vois comme ça, comme une partie de cette communauté, qui veut y contribuer, qui s'en nourrit et qui la nourrit, quelque chose dans ces eaux-là. Si c'est ça, être artiste, alors je vis avec quinze artistes dans la maison, mais l'un est plombier, l'autre travaille le bois, un troisième est architecte, eux aussi sont artistes.
Voilà, c'est quelque chose dans ce genre, mais ce n'est sûrement pas un hobby. En Hollande, on en parle maintenant comme d'un hobby de gauche: je n'ai pas spécialement envie de parler de ces idioties maintenant, mais ce n'est certainement pas un hobby! Et je pense que c'est le cas pour toutes les personnes dont je viens de parler.
Comment ou pourquoi as-tu quitté le groupe ?
Ce n'était pas à cause du changement musical, j'ai toujours aimé ce que nous faisions, et si parfois la musique partait dans des directions qui n'étaient pas toujours de mon choix, c'est par là que nous allions et je cherchais le moyen de me sentir bien dedans; dans les dernières années, je me suis rendu compte que je n'appréciais plus vraiment ce que je faisais, en partie parce que je voulais me consacrer à d'autres projets -d'écriture ou autres- mais je ne sentais pas non plus la liberté dans ma tête de faire des projets parallèles, avec le sentiment que ce que j'écrirais devrait être pour The Ex. Alors j'ai commencé à ne plus aimer les voyages, les attentes pour les soundchecks, les aéroports, je ne me sentais plus inspiré pour cela. Je me suis dit qu'il fallait prendre une décision: si je ne pouvais plus me donner à 100% à ce que je faisais, je me trompais moi-même, ainsi que le groupe et le public. J'y croyais encore, bien sûr, mais je ne pouvais pas faire semblant d'être entièrement impliqué, et j'ai donc préféré arrêter, ce qui n'a pas été une décision facile; mais après coup, je me sens très bien comme ça.
Donc, The Ex a trouvé Arnold pour me remplacer au chant, j'étais content de voir qu'ils pouvaient continuer à se développer comme ils voulaient et à tourner. De mon côté, il a fallu que je me ''réinvente'', je ne savais pas exactement vers quoi me tourner. Alors, en 2009, j'ai participé à une pièce de théâtre, qu'on a beaucoup jouée. J'y étais une voix poétique, plutôt qu'un acteur, et je me suis rendu compte que j'aimais toujours être sur scène, et raconter quelque chose qui ait du sens et qui soit positif. Ensuite, un trio instrumental français (Cannibales & Vahinés, de Toulouse) qui voulait une voix m'ont demandé de participer à leur projet; je suis donc devenu cette voix. Ils sont moins bruyants que The Ex, avec plus d'espace pour la voix. Avec tout ça, petit à petit, je dois bien admettre que je suis une sorte de chanteur, pas au sens traditionnel, mais je me consacre à la musique et au texte, j'aime pouvoir parler de ce qui me dérange, donner mon opinion sur la société, proposer des changements que j'aimerais voir... J'avais perdu ce sentiment vers la fin avec The Ex, et je me sens plus libre maintenant, avec plusieurs petits projets, même si ce n'est pas toujours facile de trouver l'argent pour le loyer et tout ça, mais jusqu'à présent ça va. Donc, avec le groupe français, on peut faire quelques répétitions sur un mois, une petite tournée, puis je peux me consacrer à Two Pin Din (duo guitare avec Andy –ex-NoMeansNo – and Wilf – ex-Dog Faced Hermans (ndlr-Sur Aredje d’ailleurs)) -nous nous rencontrons de temps en temps pour un projet- ou à d'autres gens ainsi qu'à moi-même, avec du graphisme par exemple. Tu sais, j'ai tourné trente ans avec The Ex, on était très souvent ensemble tous les cinq: après tout ce temps, même sans bagarres ou ressentiment -nous sommes toujours amis- j'ai senti le temps de changer, de faire d'autres rencontres. J'en suis d'ailleurs content, ce n'est finalement pas évident, j'aurais pu tout aussi bien m'en mordre les doigts.
Toujours au chômage ?
Non, non, il y a longtemps déjà, avec un ami, on a monté un dossier pour recevoir un emploi subsidié (et inventé), qui a finalement été interrompu en 2004. Comme je ne voulais plus avoir le bureau de chômage sur le dos, j'ai décidé de devenir officiellement musicien, ''auto-employé''. Le chômage, je n'en veux plus; c'était sympa, ça m'a beaucoup aidé, mais je peux maintenant me débrouiller pour gagner de quoi payer le loyer, me nourrir, être heureux simplement. Après The Ex, bien sûr, ça a été un peu dur: je n'avais plus les mille euros que nous nous payions par mois vers la fin (que nous complétions avec des projets à côté, du graphisme pour moi, divers projets musicaux pour les autres). Je me suis bien dit « Aïe, comment survivre ? ». Mais j'ai eu l'opportunité de gagner un peu d'argent avec le livre sur les Rondos, et la pièce de théâtre a vraiment beaucoup aidé, ce qui m'a permis de garder un peu d'argent pour le début de cette année. Et maintenant, après deux ans, avec un peu de graphisme, de scène, et d'autres petites choses, je suis toujours vivant, ça va aller je crois (rires). Au pire...
Parle-nous de la sortie du coffret des Rondos.
Les Rondos étaient un collectif de Rotterdam, à la fin des années septante, qui prenait très à la lettre la devise punk "Do It Yourself". Ils ont fait beaucoup de choses et ils ont tout fait eux-mêmes. Les Rondos ont commencé en 1978 et habitaient dans une grande maison avec une salle commune, un local de répétition, une imprimerie... Ils publiaient un fanzine, Raket, qui a vite grandi, et ils vendaient plus d’un millier d’exemplaires de chaque numéro après environ un an. Ils avaient leur propre label pour sortir leur musique : un LP, un single et quelques split-singles. Leur musique et leurs paroles étaient très militantes. Ils étaient considérés comme la version hollandaise de Crass, mais ils ont arrêté en 1980 parce qu’ils n’aimaient pas la direction dans laquelle évoluait le punk. Ils voyaient trop de violence et trop de moutons et ont donc décidé d’en rester là.
En 2008, 30 ans plus tard, ils ont décidé de sortir une compilation avec toute leur musique, parce qu’ils estimaient que leur musique était toujours valable et puissante et qu’une réédition valait la peine. Un avis que je partage entièrement. Le premier CD contient tous leurs enregistrements studio, l’autre CD contient un concert complet enregistré en 1978. Mais ils voulaient ajouter d’autres choses aux deux CD et la compile est devenue un coffret.
Le CD est accompagné d’un album photos de 200 pages, d’un livret avec les paroles, d’une biographie et d’une bande dessinée Red Rat. 800 grammes d’agit-prop !
On peut trouver plus d’informations sur leur site web (wwww.rondos.nl).
Que penses tu du support vinyle? On voit réapparaître ces disques aujourd’hui. Qu’en penses-tu ?
Cela me plaît. L'industrie de la musique change tellement vite et je pense que le CD perd la "bataille" de toute manière. Les téléchargements sur internet augmenteront, mais il y a en même temps des tas de gens (comme moi, par exemple) qui aiment aussi le vrai produit, l’objet qu'ils peuvent tenir en main pour le lire. Les pochettes de disques sont de beaux objets à examiner. Je suppose que le marché du vinyle ne sera jamais énorme, ce qui me convient d’ailleurs parfaitement. Les amateurs de vinyle sont un type de fans de musique très différent et je pense que cela améliorera aussi la qualité des sorties sur vinyle. Mais puisque je vends et j'achète aussi des disques par correspondance, je préfère les 10" aux 12"... parce que les disques 12" n'entrent pas dans les boîtes aux lettres, les frais de transport sont scandaleux.
Mr Marcaille : Pour ceux qui ont déjà vu Marcaille en concert (aussi dans Violon Profond) , l’intensité du disque est une trace bien tapée des concerts sulfureux et transpirants qu’il a pu faire par ci par là, par chez vous. Motörhead à lui tout seul avec son violoncelle et ses deux grosses caisses. Des vapeurs d’alcools frappées par des lumières rouges et vertes dans une cave enfumée, dégrisant. Il fallait que cela soit sur vinyle, ça c’est fait.
Batalj : Punk Hard Core barré, clavier aux sons bizarres, rythme découpé, précis ça saute, ça bastonne. Tordu, Fou. Pour ceux qui courent après la musique sportive…
7 ‘’ 2011 Coprod : Et Mon Cul C’est Du Tofu, Aredje, Attila Tralala.
Pour ceux qui ne connaissent pas, l’action se situe dans le crust entre le punk et métal, pour ceux qui connaissent, pas besoin de situer et peut être même que c’est pas comme cela qu’ils en parleraient. Pointu-Pointu..
Puissant et crustillant. Une promenade punk comme il y en a encore plein qui se passent. Tournées internationales régulières pour cette bande de noir vêtue. De squat en squat, aux petites heures ils balancent leur punk saupoudré de speed-métal, découpé à la hache par une batterie sans détour. Ce disque ne dispense pas de les voir en Live.
LP-2011 - Coprod : Aredje, Deviance, I Feel Good Records, Ravachol Prod, Undislessed, Symphony Of Destruction, Tanker Records, Res AK47 Records, Blackout Brigade, Vison Of War
La New-Wave re-pointe son nez, à travers des formes souvent différentes de celle des années 90 et 80. On l’a vu avec le disque de Passion Armée (RIP). Ici, sur un fond d’ambiance noise désabusé, le superbe « Afrikaner Dub » propose un doux mélange ; New Wave et … Dub. Sous un autre angle d’écoute, leurs morceaux ainsi que leurs concerts dégoulinent de mysticisme bizarre bizarre.
Le morceau de la face A fait penser au « Violence grows » de Fatal Microb, sorti sur Small Wonder Records en 1979, avec au chant Honey Bane qui sortit dans la foulée un single sur Crass records (dixit marcor).
7 ‘’ 2010 - Rococo rcc-0049.
Ce duo norvégien sonne doom et crust avec une franche tendance au romantisme. Il surfe sur des ambiances Gothiques. Sombre et chaleureux le morceau Golden Promise rappelle les Live Lover (Suède) par ses à côtés puissants et dépressifs. Basse régulièrement modulée et batterie composent l’essentiel de leur outillage. De passages rêches, ils embraient souvent sur des sonorités Emocore. En concert le 29 mars aux écuries de la ferme du Biéreau à Louvain la Neuve.
LP-2010 - Coprod Iskrem Records, FY, SM Musik
Rock’n’Roll déglingosse, énergique et fort.
La bande localisée « Water Moulin » (Tournai) a réalisé un chouette disque pour les amoureux de la musique barrée. Rassure-toi Marcor, ça reste punk, on dirait parfois Devo. Il y a du rythme, de la guitare électrique, de la basse et du chant, tu ne devrais pas trop t’y perdre.
LP et CD-2010 - Coprod : Tandori, Rockmitaine, Love Mazout, Et Pourtant Ca Avait Bien Commencé.
Louise mitc-hell envoie un album sombre et doom. Les ritournelles afro-punk remplacées par des intentions post-rock sont loin d’être fausse route. Certains morceaux font hésiter sur la vitesse d’écoute et poussent jusqu’à des formules noise bruitiste, lourdes waaaaw, d’autres nous bercent avec des riffs carrés pas ronds voire métal nordique. Album Psychédélique. Slurp.
Allez ! Maintenant on l’écoute en 45 tours, C’est les Louise Michell toujours aussi puissant, fan de métal de punk de noise et de musique afro-balkanique (rappelle-toi le math Zouk Manifeste) me promène chaussé de post rock sautillant, genre Dead Kennedys sans Jello Biafra (à la bonne époque). Superbe album
Coprod : Attila Tralala, Tocsin Records, Grand Master Steak, No Way asso, La Distroy, Dont Trust You, Et Mon Cul C’est Du Tofu.
Album électro acoustique. Agréable à écouter et relate de près ce qu’il ont fait comme concert dans la grande bulle (quartier de la baraque). Toujours batterie et guitare barytone, toujours musique qui traverse les cultures les pays. Ces globe trotteurs continuent de proposer une rencontre de rock et d’un folk énergétique et chanté.
LP 2011-Autoproduction
Ils ont joué en automne au quartier de la baraque, dans le bar du Zoo. J’avais déjà vu le trio à l’action à Saint-Martin de Lanluscle au « Temple « ou nous jouions avec les RnB. Leur nouvel album, double LP, pochette imprimée en sérigraphie en fait un très bel animal de compagnie. Dans les tranchées, une musique foncièrement tango. Batterie, Bandonéon, et guitare espagnole. En les voyant et en les écoutants je ne peux m’empècher de penser à nos amis de Radikal Satan. L’accordéoniste me confie qu’ils ont grandi dans la même école en Argentine. Paf ! dans le mille. Mais le tango de Dure Mere est plus aquatique et moins sombre que la bande de Bordeaux. Chaleureux.
Dbl LP 2010-Autoproduction.
Le premier LP de Cameron s’intitulait my guitar is alive and it’s singing et bien on pourrait dire que lui aussi est bien vivant…en effet il est à 23 ans l’auteur d’une petite dizaine de disques, tous hautement recommandables, et tous quasi exclusivement parus sur support vinyl, qu’il commence d’ailleurs à publier sur son propre label Present Time Excercises.
Partie prenante du renouveau de la guitare folk acoustique, CAM DEAS a une approche très personnelle et expérimentale amenant sa douze cordes sur des territoires encore peu explorés se démarquant ainsi de l’héritage de ses « aînés » (Jack Rose, Steffen Basho Junghans, John Fahey…). Notamment il aime jouer à fort volume en mâtinant ses compositions d’effets bizarroïdes qui prennent une coloration électronique voire psychédélique alors qu’ils sont produits de manière « mécanique » via un archet, un bottleneck, des glissandos. Ainsi les compositions de Cameron empruntent des chemins intrigants faits de moments calmes aux sonorités riches entrecoupés d’arpèges fourmillants et puissants.
Ecouter un disque de CAM DEAS c’est comme passer un papier de verre sur un morceau de bois pour le rendre plus lisse, un papier de verre n°1000, ceux à grains extra-fins. C’est un travail de patience, ça accroche, mais à la fin le résultat n’est que plus beau, plus doux au toucher. Pour peu que l’on prenne le temps de s’y pencher et de passer les premiers soubresauts de l’étrangeté de la dissonance, la musique de Cameron saura polir votre oreille et vous révélera son étrange beauté.
Bien que ce soit indéniablement en concert qu’elle prend toute son ampleur, la longue suite (quatre faces) Quatych fait état on ne peut mieux des talents de polisseur musical de l’ami Cameron (pour se faire une idée : http://soundcloud.com/camdeas/quadtych-taster-mix).
LP, 2011 sur Present Time Exercises
Quand on pose un LP de HoW sur sa platine, pour peu que l’on ferme les yeux, on se retrouve transporté dans des paysages sonores fantastiques qui, au fil des compositions, et suivant notre imagination, nous transportent aux sommets de montagnes inquiétantes (Mortagne - vient du Celte et signifie « la montagne aux morts » en référence à un culte de sacrifices humain), nous font toucher le lit de mers disparues (Dead Sea), nous font voler dans les espaces inconnus de la stratosphère… On pourrait presque même parler de musique « climatique » chaque morceau apportant avec lui sa propre atmosphère que chaque écoute révèle sous un jour un nouveau.
Paul Labrecque, seul aux manettes du projet HoW, sculpte dans la matière brute du son par addition multicouche d’éléments sonores patiemment assemblés. Ainsi sur des trames mélodiques de guitares ou de banjo joué à l’archet, et passés sous fortes doses de fuzz et de réverb, viennent se greffer des chants éthérés, quelques envolées de slide, de lointains échos d’orage, de petits arpèges obsédants, quelques notes de kalimba ou de percussions le tout lézardé de lumineux éclairs de guitares électriques. Tantôt rêches et dures, tantôt douces et méditatives, il se dégage des compositions de HoW une magie rare sortie de nulle part et à nulle autre pareille, un courant chaud dans le lequel on aime se lover.
LP, 2009 sur Ecstatic Yod
Parfois appelé « l’homme aux 21 cordes » (23 selon certaines sources), l’ami Paul est un vieux forban des circuits noise américains, où il a d’abord officié sous le nom de groupe TVBC dans une veine punk jazz débridée. Quelque peu assagi (très peu en fait) il est devenu papa, a débranché ses guitares électriques puis, plutôt que de monter les legos de son fils, il a préféré confectionner des instruments bizarroïde. Entre autres il a réalisé une guitare-sarod, un banjo 21 cordes « sitar style », un waterphone, une boite musicale de récup encore appelée « Spontaneous Composition Generator », qui renvoie à la préhistoire tous les bidouilleurs de salon. Puis le cœur tranquille il s’est adonné à ses amours (coupables) de jeunesse pour la musique improvisée à forte consonance indienne.
Toujours ok pour dégainer, à l’improviste, l’un ou l’autre des ses instruments il sait se lover à merveille dans toutes les chevauchées musicales qui s’offrent à lui toujours dans le mode de l’improvisation. Ainsi, lors de son séjour à Louvain la Neuve (août 2009) on l’a vu jouer au coté des Radikal Satan comme de Thibault Delférière. Mais c’est indéniablement en solo qu’il est le plus passionnant, sur la longueur d’un morceau (improvisé), qui, prenant la structure d’un raga indien, commence avec douceur tel un alâp pour finir suivant une tension qui monte crescendo sur un moment d’apothéose.
Ce qui frappe dans la musique de Paul Metzger, outre sa virtuosité, ce sont les sonorités inédites qu’il obtient de ses instruments. On le sent il a dû passer des heures, pendant les longs hivers du Minnesota, à peaufiner le son de ses instruments. Ainsi quand il joue de son waterphone on se croirait dans un remake sous LSD de vingt mille lieux sous les mers, quand il fait vibrer les cordes de son banjo 21 cordes avec un archet on s’imagine au petit matin dans un caravansérail du Kazakhstan sur la route de la soie. Mais on ne fait que « croire » car le vieux forban nous rappelle toujours bien d’où il vient : le Minnesota, vous voyez la frontière canadienne ? eh bien c’est là, en plein milieu des USA.
Debut Solo,LP, 2005 sur Mutant Music
Gedanken Splitter, LP, 2008 sur Roaratorio