2012 64
2007 63
2006 62
2005
2002 56
1996 30 29 28 27 26 23 22 21 20
Bien plus d'un an s'est écoulé depuis le aredje n° 61 et qui sait quand arrivera le n° 63.
Il faut bien constater que le site www.aredje.net monopolise l'énergie qui nourrissait jadis le aredje en papier, les accros d'internet ne s'en sont peut-être pas même rendu compte, ce sont les autres qui en "souffrent", nous aussi qui n'aimons pas cette position de promoteurs-malgré-nous des nouvelles technologies.
Il y a aussi des raisons plus personnelles comme l'un qui consacre tout son temps à son autre passion ou l'autre éloigné du clavier par une crise de tendinite (ça va mieux, merci)
Et heureusement, il y a des raisons plus chatoyantes.
Des rafales de concerts et de répétitions : pour intégrer Boris, le nouveau bassiste, on a refait mille fois le tour du répertoire et grâce à cette extension du groupe, on joue plus que jamais.
Et surtout la préparation d'un album qui a demandé beaucoup de temps. J'en parle au passé parce que, désormais, on peut dire qu'il est prêt à être enregistré et qu'il n'y a plus qu'à ! On commence sérieusement au retour de la tournée dans le sud de la France, on n'osera pas faire de pronostic sur l'heure de sa sortie et on ne dira pas encore grand chose sur son contenu, juste qu'il s'agira d'une rafale de chanson pas toutes de nous et pas forcément nouvelles, autour d'un thème qui nous tient à coeur, ce sera le premier album du trio Smerf-Rman-Binam'...
Avec Boris en plus, on s'attendrait à nous voir jouer maintenant à quatre mais non, nous avons choisi d'intégrer un bassiste non pas pour ajouter un instrument mais pour multiplier les possibilités de concerts.
Dorénavant, depuis quelques temps déjà, nous jouons en trio BSR, RBB ou BBS.
BSR : Binam' Smerf Rman
RBB : Rman Binam' Boris
BBS : Binam' Boris Smerf
Trois trios dont chacun a son son, son jeu, son style. On ne sait pas encore comment ils convergeront ou divergeront mais on sait déjà qu'ils se nourrissent l'un l'autre et qu'on y trouve beaucoup de fraîcheur. On espère bien la partager avec vous. On a déjà commencé.
Bien sûr, à l'occasion, nous ne nous priverons pas de cet autre plaisir, celui de jouer en quatuor, comme nous l'avons d'ailleurs fait lors des derniers concerts de Noël.
Cerise sur le gateau, Boris joue aussi dans Visions of War qui est un groupe qu'on aime beaucoup beaucoup, c'est pourquoi on joué quatre fois avec eux (encore ces concerts de Noël plus un concert à Dijon) histoire de goûter ainsi à l'essence du crust. Visions of War, c'est vraiment puissant bien sûr, mais aussi paradoxalement extrêmement pop.
Maloka, le label anarcho-punk de Dijon a sorti trois disques split de Visions of War :
2006, VoW / Cop o Fire
2005, Mass Genocide Process / VoW
2003, VoW / Olho de Gato
Surtout, ne ratez pas une occasion de les voir en concert et sachez que leurs albums sont disponibles à notre distro.
Encore une cerise, Boris joue encore dans un autre groupe En Dan, plus rare et sans disque, une sorte de punk bourrin qui s'assume et qui pétille, leur dernier concert à Bruxelles au Café Dada était grandiose.
En réalité, c'est à la maison qu'on va se remettre à enregistrer et ça n'a pas été facile. On devient de plus en plus exigeant à chaque fois qu'on s'y remet et le matos est parfois capricieux : une carte AD/DA nous a trahi en fonctionnant à moitié, ou, pire encore, quand elle voulait bien, il a fallu s'en séparer et repartir sur d'autres bases.
La première fois qu'on a enregistré en DIY, c'était pour le 45t anti-papique de 1995, le premier disque de René Binamé sans les RDS... Un changement de nom qui correspond donc à un changement de pratique, est-ce par hasard ?
Ce 45t anti-papal est épuisé depuis belle lurette, son prédécesseur cd l'est aussi. Une ré-édition des deux en un est en préparation, sans doute en vinyle, aussi en cd, à suivre. Bientôt épuisé lui aussi, le cd 71-86-21-36 va subir un nouveau pressage qui serait sans doute passé inaperçu sans ces quelques mots.
Tout a été dix cent fois et beaucoup mieux que par nous. Ce qui ne nous empêchera pas d'écrire des vers chaque fois que ça nous amusera. Ce qui nous fera tomber n'importe où n'importe quand, qu'on le cherche ou pas, sous d'autres plumes, dans d'autres voix, sur des phrases, des mélodies qu'on reconnaît.
Comme dans les quelques textes et bouts de textes reproduits ci-après.
D'abord une photocopie reçue de Phil : un article sur le cinéaste japonais Ozu.
Puis un extrait de "tropique du capricorne" de Henry Miller, arrivé sous la forme d'un petit quat'page de l'oncle Zig Zag qui ne veut plus lire seul et qui joint le geste à la parole en distribuant des petits livrets.
Enfin quelques phrases de Ferdinand Richard, bassiste de Etron Fou Leloublan, dont le trajet est bien plus tordu. C'est un japonais ami d'un ami qui, parlant des groupes français qu'il aimait, a cité ce nom que nous n'avions jamais entendu.
Intrigué, j'ai cherché des infos sur la toile magique et suis tombé sur Histoire d’une insurrection scatologique (1ere partie) sur le site traversesmag.org, étonnant.
Le groupe y est présenté comme une figure hirsute d’un certain rock underground hexagonal, un digne représentant français du mouvement européen Rock In Opposition à la fin des années 1970, paradoxalement moins connu en France que dans d’autres parties du monde.
Dans l’Ardèche des années 1970, entre deux festivals, c'est la vie communautaire : défrichage, arrachage, bêchage, plantage, veaux, vaches, lapins, poules, chèvres, cochons et leloublan. Que du bon.
J'ai pas accroché au peu que j'ai écouté mais je compte bien y remettre l'oreille plus tard.
Binam'...
« Nous choisissons l’authenticité au détriment de l’esthétisme. L’authenticité est une somme d’informations rééllement vécues par l’individu. C’est notre explication de la beauté. L’esthétisme est une somme de règles (jugements) arbitraires obéissant à des intérêts de partis ou de classes (la tradition, les marginaux, les catholiques, les abeilles, les ouvre-boîtes). C’est notre explication de la répression. » (1)
« (...) nous préférons un groupe de jeunes travailleurs urbains qui jouent mal du Rolling Stones avec conviction qu’un orchestre de spécialistes qui fait de la Pop symphonique (tout en mineur) ou du jazz-rock chronométré, ou du free-jazz de salon, ou du folk puritain et figé. Et pourtant nous sommes captivés par certains représentants de chacun de ces genres. Le punk nous fait souvent bailler. »
« La musique n’est pas le sommet de notre existence. Ne vivre que de ça dans une société normalisée aboutirait obligatoirement, à plus ou moins longue échéance, à produire une musique normalisée.»
« La manière d’exister (mode de vie, attitudes, objets environnants, instruments) détermine la musique (on va voir les Rolling Stones, Michel Sardou, Von Karajan, Jacques Chirac). »
Propos de Ferdinand Richard in Un certain rock (?) français (vol.2), de Dominique GRIMAUD (1978)
Au début des années 1980, j'ai eu la chance de voir une rétrospective des films d'Ozu. J'en ai vu plus de dix d'affilée, ce qui m'a vraiment donné une idée de son cinéma.
Jusque là, je considérais Mizoguchi comme une montagne infranchissable, mais ensuite, c'est Ozu que j'ai vu ainsi. A cette époque, j'avais à peine plus de vingt ans, j'étais membre d'un groupe de rock punk où, tout en faisant hurler ma guitare, je chantais pour dénoncer les maux de ce monde et clamer la manière d'y mettre fin. Mon objectif était de détruire l'ordre de ce monde, de détruire ce monde bourgeois. Jeune anarchiste violemment opposé à l'ordre social et à ses institutions, telles que la famille, j'ai fait cette rencontre avec les œuvres d'Ozu, et en ai reçu un choc extraordinaire.
Ce qui s'est produit à ce moment-là, c'est la rencontre de deux violences. L'une résidait dans ma propre attitude, il s'agit de la radicalité de la jeunesse, et de mon désir de transformer ce monde sinistre; l'autre violence, celle du cinéma d'Ozu, je ne sais s'il convient de l'appeler ainsi.
C'est peut-être de tension qu'il faudrait parler, cette tension extraordinaire qui émane de ses films.
La tendresse ou l'amour que les films d'Ozu nous montraient et ce que je cherchais à exprimer en torturant ma guitare étaient une seule et même chose. Alors, pour la première fois, je me suis dit que j'avais envie de faire une sorte de film court. J'ai cru que si je réussissait à faire ce film, moi qui en ce temps-là ne me sentais appartenir à aucune famille ni communauté, je pourrais sortir de cette situation.
La Portugal se trouvait alors juste au lendemain de la révolution, et le pays dans l'ensemble cherchait lui aussi à reconstruire une identité et une place. Les films d'Ozu répondaient à la fois à une interrogation personnelle et à une interrogation collective, ils aidaient à imaginer comment reconstruire une communauté. Il n'est pas sûr qu'Ozu lui-même ait trouvé de réponses à ces questions, mais ses films dessinent le contour des problèmes tels qu'ils se posent, et indiquent des orientations. Ils mettent en évidence des aspects particulièrement pénibles dans le monde, et s'interrogent sur la façon de les résoudre. Sans prétendre avoir, moi non plus, résolu mes problèmes d'appartenance, je sais qu'en réalisant des films, j'ai au moins progressé un peu dans cette direction. Et il est clair que les films d'Ozu m'y ont aidé: ils ne cessent de mettre en scène les modalités de vivre ensemble, qu'il ré-interrogent en y introduisant de nombreuses et infimes variations. De même, depuis quatre ans, j'habite dans le même quartier et je filme toujours les mêmes personnes; ayant choisi ce lieu, je continue à y travailler en me disant qu'il reste encore toutes sortes de choses à y faire. C'est que je pense pouvoir encore faire de nombreuses variations, je pense que je dois encore en faire. Peut-être vais-je passer ma vie entière au même endroit, à la manière d'Ozu.
Mizoguchi, à qui on demandait ce qu'il pensait d'Ozu, a déclaré: "il fait des films nettement plus utiles que les miens." Pour le dire de mon point de vue, je trouve qu'Ozu est le réalisateur le plus punk au monde, le plus révolutionnaire, grâce à sa façon de rester toujours en avant tout en conservant une extrême générosité. Pour moi, le qualifier de punk a un sens bien précis: cela signifie qu'il est un artiste avec un cœur d'enfant tout en étant d'une grande maturité, c'est la capacité d'avoir simultanément 5 et 80 ans.
J'aurais voulu vivre la destinée de l'univers. S'il m'arrivait de rentrer un soir à la maison pour trouver qu'il n'y avait rien à manger, pas même pour la gosse, je faisais aussitôt demi-tour pour me mettre en quête. Mais, et c'est un trait de moi qui m'intrigue toujours, à peine me retrouvais-je dans la rue, galopant à la recherche de la croûte, je retombais en pleine Weltanschauung. Loin de penser exclusivement à notre bouffe, je pensais à la bouffe en général, à tous ses stades et dans le monde entier à l'heure qu'il était: comment on se la procurait, la préparait, ce que faisaient les gens qui n'avaient rien à se mettre sous la dent, et peut-être y avait-il moyen d'arranger les choses en sorte que tout le monde eût son contentement et qu'on ne gâchât plus de temps à résoudre un problème aussi simple et idiot. J'étais navré pour ma femme et ma gosse, bien sûr, mais je l'étais tout autant pour les Hottentots et les Boschimans d'Australie, sans oublier les Belges qui mouraient de faim, les Turcs et les Arméniens. J'étais navré pour toute la race humaine, pour la stupidité de l'homme et son manque d'imagination. Ne pas avoir de quoi manger à un repas, n'était pas si terrible en soi – c'est le vide effroyable de la rue qui me bouleversait. Toutes ces putains de maisons, absolument identiques, plus vides les unes et tristes les unes que les autres. Pavé fin sous le pied, coulée d'asphalte au centre de la rue, perrons en pierre brune, magnifiquement hideux d'élégance – ce qui n'empêche qu'un type peut passer sa journée, nuit comprise, à se balader sur ce matériaux coûteux en quête d'une croûte de pain. Et cela me dépassait. Penser à l'incongruité d'un tel état de choses. Si seulement on pouvait se ruer dehors, brandissant une cloche à sonner les repas et hurlant: "Oyez, oyez, braves gens, vous avez devant vus un type qui la saute. Où y a-t-il des chaussures à cirer ? Des ordures à sortir ? Des tuyaux à déboucher ? " Si seulement on pouvait descendre dans la rue et s'expliquer avec les gens. Mais non, on n'ose pas l'ouvrir. Abordez le premier venu dans la rue, dites-lui que vous avez faim, la peur lui flanquera la chiasse et lui donnera des ailes. Cela aussi m'a toujours dépassé. C'est tellement simple pourtant – il suffit de dire Oui quand on s'approche de vous. Si vous ne pouvez dire Oui, qui vous empêche de prendre le type par le bras et de demander à un autre zigue de vous aider à le tirer d'affaire. Pourquoi a-t-on besoin de revêtir un uniforme pour aller tuer des gens qu'on ne connaît pas et se procurer de quoi croûter – c'est pour moi un mystère. Voilà ce qui me trotte par la tête, bien plus que l'image de la gueule qui dévore la croûte et que le prix de cette dernière. Pourquoi diable me soucierais-je du prix des choses ? Ma raison d'être est de vivre, non de calculer. Et c'est précisément ce que cette bande de vaches ne veut pas que l'on fasse – vivre ! Ce qu'ils veulent c'est que l'on passe sa vie à aligner des chiffres. Ca vous a l'air raisonnable, intelligent. Si c'était moi qui tenais la barre du gouvernail, peut-être l'ordre ne régnerait-il pas, mais bon Dieu la vie serait plus drôle ! On ne passerait pas le temps à chier dans sa culotte à propos des choses qui n'en valent pas la peine. Peut-être n'y aurait-il pas de macadam dans les rues, ni de voitures aérodynamiques, ni de haut-parleurs, ni de trucs ni de machins de mille millions de sortes; peut-être devrait-on dormir à même le sol; peut-être n'y aurait-il pas de cuisine à la française, à l'italienne, à la chinoise; peut-être les gens s'entre-tueraient-ils quand ils seraient à bout de patience, et peut-être personne ne les empêcherait-il parce qu'il n'y aurait pas plus de taule que de flics ni de juges, et qu'il n'y aurait certainement pas de ministres ni de gouvernement, ni de question d'obéir ou de désobéir à leurs saloperies de lois; peut-être faudrait-il des mois et des années pour cheminer d'un lieu à l'autre, mais on n'aurait besoin ni de visa ni de passeport ni de carte d'identité, parce qu'on n'aurait besoin de figurer sur aucun registre, qu'on ne porterait pas de numéro et que si l'on avait envie de changer de nom toutes les semaines, qui l'empêcherait ? Ca ne ferait pas la moindre différence vu qu'on ne posséderait rien que ce que l'on pourrait emporter avec soi, et pourquoi diable aurait-on alors envie de posséder quoi que ce soit puisqu'il ne serait plus question de rien posséder ?