2012 64
2007 63
2006 62
2005
2002 56
1996 30 29 28 27 26 23 22 21 20
D'habitude, quand nous sortons un nouvel album, Jacques de Pierpont, alias Pompon, nous invite dans son émission Rock à Gogo sur radio 21 pour une interview dans la séquence fume c'est du belge. Or, nous venons de sortir Kestufé du Wéékend ? dont nous sommes très contents, merci. Nous allâmes donc. Nous avions imaginé de continuer l'interview après l'émission, autour de quelques rafales de pintes et d'un appareil à cassettes histoire d'immortaliser l'affaire. Nous le fîmes et ça le fit.
Ce sont ces 120 minutes d'entrevue que vous pourrez lire dans cet Aredje très Binamé-Binamé, une fois n'est pas coutume. L'intégrale quasi brute de décoffrage vous est livrée, y compris les quelques minutes de discussions qui suivirent la fin officielle de l'interview au café. Tout au plus manque-t-il quelques " bèh ", pas mal de " quoi " et beaucoup de " heu " dont vous conviendrez qu'ils n'étaient pas indispensables.
Bien sûr, la syntaxe est bousculée et la cohérence est flottante. Nous nous appesantissons parfois sur des détails pour à dans la foulée à peine effleurer des points essentiels. Nous déciderons que le charme de cette retranscription tient au respect de ces imperfections.
Le chanteur-batteur : Binam'...
Le gars au synthé : EsGibt
Les gratteux : R-man et Smurf
L'homme du stand : Marcor
L'artificier-jongleur : Audric
Le studio est feutré, la lumière est tamisée, ça va commencer. A la maison, Izou est prête à lancer la cassette.
Pompon est au centre, Marcor et Audric sont à sa droite, EsGibt et Binam' à sa gauche, Smurf et R-man en face.
Pompon, EsGibt et Binam' ont chacun un micro. Il est à peu près 20h30, nous sommes le mercredi 22 novembre.
Pompon : René Binamé, le nouvel album, Kestufé du Week-end ?, il est sorti sur le label de René Binamé et des Slugs, Aredje... Et les Roues de Secours, elles sont devenues quoi ?
Binam'... : heu... dans le coffre !
Pompon : parce que sur la pochette, maintenant c'est marqué René Binamé.
Binam'... : tu as vu la place que ça prenait sur la pochette, là on a plus mettre plein de choses à la place.
Pompon : voilà, donc la roue de secours est dans le coffre. Bon, René Binamé, maintenant, c'est un album, complet, sans reprise, rien que des compos inédites. Il y a quelques mois, vous aviez participé à une initiative wallonne assez intéressante, y a moyen de rappeler ce que c'était.
Binam'... : c'était une initiative de l'asbl Li Ranteule. Li Ranteule, c'est la toile d'araignée, donc le web, en wallon, le réseau. Et c'était un CD avec quatre groupes absolument hétéroclites qui ne se connaissaient pas avant, dont le point commun est de faire des trucs en wallon. Et donc, on a fait trois morceaux pour ce disque là, on l'a fait avec l'ancienne formation du groupe, à moitié, avec Laurent, en fait, celui qui avait écrit les morceaux en wallon de notre 45t.
Pompon : et vous aviez repris, ou massacré, au choix...
EsGibt : repris !
Pompon : un truc country assez connu...
Binam'... : un truc country assez connu ? Tiens ? Mais quoi ?
R-man : il ne nous a pas dit ça !
Pompon : y avait trois chansons dont une qui sonnait très américain.
Binam'... : oui mais... ah ! c'était une reprise ! Ah... merde alors ! C'est la chanson sur ce fameux exode de wallons en Californie.
Pompon : oui, c'est ça.
Binam'... : ah oui, non, ça doit être quelque accords classiques de blues folk.
Pompon : c'est une chanson à vous, en fait.
Binam'... : bèh oui, enfin comme la plupart des chansons sont à quelqu'un alors qu'elle sont à tout le monde puisque les accords circulent de mains en mains. Nous, on n'a pas profité de l'occasion pour se l'approprier en la déposant à la SABAM, ce que pas mal de gens font sans vergogne en chopant une série d'accords que tout le monde a joué avant. Donc, c'est une reprise de probablement cinquante-six morceaux joués par plein d'autres avant.
Pompon : mais avec un texte à vous.
Binam'... : avec un texte à nous.
Pompon : bon et ben voilà, on peut dire à René Binamé que pour une fois dans leur vie, il auront sonné américain. Ça va, vous êtes pas vexé ?
Binam'... : non, ça va...
Pompon : Alors, Kestufé du Week-end, allez Hop, deuxième extrait, voici Tic-Tac
Pompon : René Binamé, Kestufé du Week-end. Comme d'habitude, on dira que c'est assez engagé, enfin que ça parle des grandes arnaques d'aujourd'hui, quoi.
Pompon : mais c'est du wéékend, en fait. Kestufé du Wéék-end ?. Oui, et alors, y paraît même que ça aurait pu être Kestufé du wééken, le d est déjà sujet à caution.
Pompon : éventuellement superflu.
Binam'... : une sorte d'engagement pour le soutien aux accents locaux à consonance... locale...
EsGibt : oui, moi je suis pas d'accord d'habitude avec la séparation qu'on fait, enfin c'est une séparation qu'on fait souvent : engagé pas engagé, groupe qui se revendique et groupe apolitique, chansons contre, chansons pour. Parce que dans les faits, je crois que c'est pas, enfin la réalité est pas vraiment comme ça. Et que des groupes qui revendiquent de ne pas être engagés, d'être apolitiques, en fait sont des espèces d'agents d'ambiance ou d'amuseurs du week-end, qui sont quelque part beaucoup plus engagés que j'espère que nous le sommes, à l'intérieur du petit système travail loisir. Et que en parlant simplement des trucs qu'on vit et de la manière dont on se prend la tête là-dessus entre nous, j'ai pas l'impression qu'on s'engage dans quelque chose, j'ai l'impression qu'on est dedans et qu'on essaye d'en parler.
Pompon : disons que vous parlez de plein de choses qui vous énervent ou vous amusent. Du style l'obsession de la bonne santé, voilà : aujourd'hui, il faut avoir l'air jeune, en forme, dynamique.
Binam'... : histoire d'être efficace au travail. Tout à fait. Mais c'est ça, on parle pas plus de ça dans nos chansons que dans nos discussions de tous les jours. On n'a pas tout à coup, quand on prend la guitare, l'idée de s'engager, d'écrire des tracts en musique ou quoi que ce soit. C'est pas ça, c'est nos morceaux, qui disent ce qu'ils disent, et y a pas que des trucs qu'on peut ranger sous l'étiquette " engagement ", il y a aussi de succulentes bêtises.
EsGibt : en plus, le jeune battant aux dents longues, ça existe en musique comme ailleurs. Enfin, la carrière, les canevas de la carrière professionnelle, bèh voilà, ça se retrouve dans les pubs à la radio, dans le matraquage, et dans réalité, et dans la musique aussi. On est plutôt ironiques par rapport à ça, parce que c'est pas comme çà qu'on le fait, et c'est bien comme on le fait qu'on y prend du plaisir.
Pompon : est-ce que vous avez des GSMs ?
Binam'... : non !... ah si ! mais seulement lui !
EsGibt : hé bien, je suis occupé à faire l'expérience du GSM et c'est intéressant et je vais le balancer dans pas trop longtemps. Y a que Marcor qui m'appelle, en fait, sur mon GSM. Et j'essaye de lui dire mais rappelle-toi que ça coûte très cher, mais ça a pas l'air de la convaincre. Je crois vraiment que c'est surtout utile comme espèce de prolongement du boulot, de faire des personnes des travailleurs permanents. Et heu... depuis qu'il y a des GSMs, on voit des gens qui se promènent tout seuls qui ont l'impression de ne pas être tout seuls parce qu'ils sont occupés à parler et beaucoup de personnes qui sont à deux et qui sont à deux tout seuls parce que un des deux est au téléphone, en se promenant comme ça dans les parcs et tout, c'est tout à fait étonnant.
Binam'... : beaucoup de gens ne sont pas là où ils sont puisque ils sont en contact avec autre chose, en contact sur le moment quand il sont au téléphone ou bien en attente d'un contact, en attente de là où ils vont arriver, en attente de là d'où ils viennent et où ils vont retourner. Ce ne sont plus que des trajets entre des endroits avec lesquels on est en liaison. Et on est plus jamais là où on est, on ne prend pas plaisir à rencontrer les gens avec qui on est parce que ça peut sonner à tout moment et là, ce sera important.
EsGibt : d'ailleurs, je m'excuse, mais on m'appelle.
Pompon : René Binamé, l'album Kestufé du Week-end ?, troisième extrait, Où l'on apprend que l'on a tout à gagner.
Pompon : René Binamé avec les roues de secours dans le coffre, l'album Kestufé du Week-end ? Alors, Aredje, qui est la structure de diffusion, de distribution. Comment se porte Aredje pour le moment ?
Binam'... : heu... structure, c'est beaucoup dire, disons plutôt le nom sous lequel on place nos machins par habitude. Y a le fanzine qui n'est plus mensuel mais bimestriel...
MarCoR : mais il est cossu...
Binam'... : mais qui, comme nous dit Marcor, est de plus en plus cossu, de plus en plus, oui c'est ça, seize pages plutôt que huit, soyons clairs. Et puis bon, le label, il existe quand Les Slugs ou René Binamé sortent un disque, donc il existe pour le moment avec la sortie de ce disque, et il existera avec la sortie du suivant.
EsGibt : l'avantage, quand les groupes sont leur propre label, c'est qu'on a subi des méga pressions autour de cet album, comme tu peux l'imaginer, c'est très agréable. On s'auto pressurise. C'est pour ça qu'il met combien d'années à sortir ?
Binam'... : on a retrouvé des communiqués de 1998 où il était annoncé pour très très prochainement à la rentrée, et c'était très très sérieux.
Pompon : et ce qui est bien avec Aredje, le zine, c'est que ça ne donne pas seulement des nouvelles des Binamé et des Slugs. Ça parle de tas de choses qui se passent dans le monde, notamment tout ce qui se passe au niveau contestation de la mondialisation. Bon, exemple, ce qui s'est passé début octobre à Prague, au moment du sommet de la banque mondiale et du FMI, le 26 septembre en fait. On se dit, la Tchécoslovaquie, état démocratique, et y a des gens qui ont passé des jours en taule, battus, torturés. Voilà, ça se trouve dedans, on ne le dit pas trop dans la grande presse.
Binam'... : et donc, nous sommes d'accord, la Tchécoslovaquie, état démocratique.
EsGibt : et y paraîtrait même qu'en Belgique, certaines personnes, bon y z'ont peut-être évidemment faut voir, y a pas de fumée sans feu... auraient passé aussi plusieurs nuits en taule et se seraient fait taper dessus, mais on manque encore d'informations sur le sujet. Mais c'est vrai que pour nous, c'est important quoi, ça rejoint nos préoccupations.
Binam'... : on ne se casserait pas le cul à faire un fanzine tous les deux mois pour ne parler que de nous, tout simplement. On n'en serait pas au numéro 50 si on n'avait que ça à dire.
EsGibt : déjà, quand tu fais de la musique, on t'aiguille très facilement dans tout un circuit qui est vite complètement séparé de la vie.
Pompon : ne parle que de culture, mon gars !
EsGibt : oui, c'est ça, culture, on peut pas sortir de ça. On peut parler pendant des heures de la manière dont on a enregistré l'album, qu'on s'est amusé à tripatouiller dans tous les sens, et que c'est très gai et tout. Et puis voilà, c'est déjà très séparé en soi-même. Et nous, de la manière dont on le fait, c'est de fait pas séparé du reste des trucs qu'on vit. Donc, on est content que ça puisse se transmettre. Comme la chanson qu'on vient d'écouter qui est pour moi le genre de... la chanson d'amour par excellence, et qui n'est pas pour autant le cliché rock'n'roll yéééh I love you. Merde, je vois Pompon qui regarde l'heure. Bon, parce que justement c'est... qu'est-ce que c'est l'amour aujourd'hui entre " merde la prochaine pub est à 21h " ? et...
Pompon : bon, ça va, on a le temps.
EsGibt : mais que on sait que y a de toutes façons, voilà bon on peut rouler dans les feuilles mortes à s'embrasser, puis faudra quand même, les huissiers, les flics vont arriver, ou le loyer ou tchic ou tchac et boum ! Et donc, tout ça, c'est les contradiction dans lesquelles on se trouve et y a pas de raisons de faire une chansonnette qui plane au-dessus de tout ça, on a envie de parler de ce qu'on vit et on est content que ceux qui écoutent se retrouvent là-dedans.
Pompon : Aredje, donc le fanzine fête son numéro 50, et puis y a aussi le fanzine électronique. Voilà, vous avez pas de GSM, mais vous avez un site, hein ! Dubble you, dubbleyou, dubble you, point, aredje, point, net.
Binam'... : oui, et ça c'est pas la seule technologie de pointe qu'on utilise. Y a déjà les synthétiseurs de EsGibt. On enregistre en full digital du début à la fin etc... etc... Le GSM, ce qui nous dérange là-dedans, c'est pas la prouesse technologique, c'est le fait d'être dérangé n'importe où, de plus être, heu, de perdre sa liberté.
EsGibt : c'est l'usage social comme ça existe aujourd'hui.
Pompon : actuellement, vous avez plus d'abonné pour le fanzine papier ou c'est le site qui commence à prendre une place prépondérante, ou pas encore ?
Binam'... : je pense que y a plus d'abonné digitaux, et finalement c'est pas plus mal, c'est ça de moins à plier et à étiqueter.
EsGibt : d'un autre côté, moi qui lit la presse en général et la presse musicale en particulier à la toilette, ça m'évite d'installer un ordinateur à la toilette si je le reçoit sous la forme papier.
Binam'... : tout à fait, et d'ailleurs, en dehors des abonnement, on n'en distribue beaucoup aux concerts.
EsGibt : et Internet, on l'utilise effectivement mais en même temps on n'en fait pas une espèce d'absolu. Tous nos morceaux qui sont nos compositions personnelles, entre guillemet comme on en parlait tout à l'heure, se trouvent gratos en MP3 sur internet. D'un autre côté, on sait que si y faut se connecter, y faut charger, ça prend du temps, etc... On a le projet de faire un CD-rom...
Binam'... : pour la rentrée !
EsGibt : un CD-rom pour la rentrée, avec ces morceaux, le site dans l'état dans lequel il est au moment où on grave le CD, il sera peu différent à chaque stand. Parce que, voilà, Internet, c'est utile, mais il y a en même temps plein de mystification sur on a accès à tout tout le temps, comme pour rien.
Pompon : effectivement, télécharger un album complet, ça prends du temps, donc ça coûte de l'argent.
Binam'... : et encore, il faudra probablement d'abord que tu sortes ta carte de crédit pour le payer, l'accès à l'album. On parle beaucoup de musique gratuite sur internet, mais y a surtout beaucoup de musique payante.
Pompon : mais ça, c'est pas votre cas.
Binam'... : non, c'est pas notre cas.
Pompon : René Binamé, le nouvel album Kestufé du Week-end ? René Binamé, comme chaque année, proposera des concerts de Noël. Les détails dans quelques instants. Attention, voici encore une chanson engagée.
Pompon : les concerts de René Binamé à Noël, le 22 décembre à Marche-en-Famenne à La Grange et puis le samedi 23 décembre au Magasin 4 à Bruxelles avec Pekatralatak et le Mambassa BB. La grande tradition des CDs de Noël, des 45t de Noël, c'est fini ?
Binam'... : ça fait des années qu'on dit que c'est fini, même si on a encore craqué régulièrement. Mais cette fois, on a fait autre chose.
Pompon : bèh, un album complet bourré d'inédit, bon, tout simplement.
EsGibt : et puis, en 98, on a sorti la compilation avec tous nos morceaux de Noël l'un derrière l'autre et on s'était un peu dit... Par contre, ça n'empêche pas de revisiter les morceaux de Noël et puisque comme par exemple le morceau qu'on vient d'écouter était un superbe riff de Fabrice qui bon voilà ne joue plus avec nous aujourd'hui mais qu'on est occupé à revisiter des morceaux de Noël avec Smurf et ça va donner des résultats assez étonnant, des nouveaux morceaux interprété de façon assez étonnante plus des morceaux de Noël revisités. Y aura de quoi ne pas s'endormir complètement au bar.
Pompon : voilà, 22 décembre à Marche à La Grange, 23 décembre Bruxelles Magasin 4. Bon, vous avez un choix libre dans votre album, et vous avez sélectionné Ciao 16 coups. Rien à voir avec un dictateur roumain ?
EsGibt : à part le plaisir du jeu de mot foireux
Binam'... : si on écoute bien, on peut compter seize coup de caisse claire en intro.
Pompon : Ciao seize coups
Pompon : René Binamé, l'album Kestufé du Week-end ? K, E, S, T, U, F, É.
Tous : da we...
(rires)
EsGibt : exactement, il n'y a pas de faute dans le communiqué de presse.
Pompon : on peut poser un question hors René Binamé. Que deviennent Les Slugs ?
Binam'... : on répète demain, à 9h, dans un lieu tenu secret, Marcor nous téléphonera juste avant pour lever toute ambiguïté.
Pompon : mais bon, Les Slugs fonctionnent toujours, ils ont un nouveau chanteur,,. Est-ce qu'il y a un enregistrement prévu pour bientôt.
Binam'... : pas vraiment, mais ça pourrait, on a des nouveaux morceaux, on chipote, on papote, tout est possible, mais pas de pronostic sur un quelconque délai, on verra.
EsGibt : simplement la petite anecdote parce que on voit Von, d'ailleurs salut Von, par exemple. Y un gars qui a dit en voyant Geoffroy, tiens c'est bizarre Von a fait des dreads. M'enfin ça c'est drôle seulement pour quelqu'un qui connaît les deux.
Binam'... : et encore.
EsGibt : et encore, oui, je suis pas sûr.
Pompon : alors mercredi passé... avant de se quitter, on a quelque chose pour vous mais qu'il est hors de question d'emporter parce que je le garde. Bèh, Vanilla Coke était invité de Rock à Gogo la semaine passée et dans Vanilla Coke, y a un monsieur plus vieux que les autres, le batteur, qui fut...
EsGibt : c'est comme chez nous.
Pompon : quoi, y a aussi un papy chez vous ?
EsGibt : Marcor ?
Pompon : et bon bèh en fait en son temps, il a fait partie de ce groupe punk légendaire spermicide qui avait sorti le 45t Belgique en 1980, et il m'en a remis un exemplaire à la condition sine qua non et expresse que je le diffuse quand vous êtes là, pour vous.
EsGibt : et sine qua non, donc comme quoi les punks parlent latins
Pompon : spermicide, ça vous dit quoi, à vous, les lointains héritiers ?
Binam'... : je me dis que Marcor connaît sûrement, mais héritier, c'est pas évident je suis pas sûr.
Pompon : non mais je parle de l'état d'esprit
Binam'... : a oui, houla, hé, oh, oh, oh ! Marcor, à propos de Spermicide, qu'est-ce que tu peux nous dire, tu les as vu quand et où ?
MarCoR : bèh à On, c'est marqué dans Aredje numéro 50.
Binam'... : en quelle année ?
MarCoR : 1980
Binam'... : et c'était bien ?
MarCoR : bèh, on va dire oui hein.
EsGibt : mais non, ce qui a, c'est que pour nous, c'était juste un peu trop tôt pour aller voir des concerts à ce moment là. Pour nous, c'est surtout un groupe qu'on a connu pas ses morceaux plus connus, par ce 45t là, par après. Mais le témoignage de Marcor faisant toujours foi parmi nous.
Smurf : c'est quand même un 45t qui a été saisi, qui a pas pu être distribué.
Pompon : et bien vous allez tout de suite comprendre pourquoi. Allez, Rock à gogo, on prends des risques !
Binam'... : si y a un problème, ils peuvent saisir Marcor.
EsGibt : Marcor qui a demandé si il pouvait avoir un micro pour chanter pendant le 45t.
Pompon : bon amusement. Bon, les Binam. Merci d'être venu, on rappelle donc le nouvel album, Kestufé du Week-end ?, et les fiestas de Noël.
Binam'... : et on revient à la rentrée !
EsGibt : et merci à l'ex spermicide pour le morceau que nous allons écouter ! Merci Pompon.
Belgique, putain frigide, tu ne nous fait plus jouir, ton visage est ridé par la masturbation royaliste !
Belgique, putain frigide, ton drapeau n'est qu'un torchon sur lequel éjacule la puanteur ministérielle !
Belgique, putain frigide, tu n'as pas besoin de chiens, ton roi a ses miliciens, Belgique, ton régime est pourri !
Belgique, putain frigide, ta royauté est stérile, ta démocratie est fasciste, ou se trouve donc ton futur ?
Belgique, putain frigide, ton pouvoir est maudit, ton pouvoir sera détruit, Belgique, Belgique tu pues la mort !
Les mêmes + une serveuse efficace et quelques clients.
Le café est animé, il y a du foot à la télé (sais pas qui joue, sais pas qui a gagné, m'en fous).
Pompon est au centre, entre Marcor à sa droite et R-man à sa gauche. EsGibt, Binam' et Smurf sont en face.
Sur la table défilent les chopes et tourne la cassette.
Pompon : On y va ! Ben, en fait, on va commencer par la plus bête question qui soit. René Binamé et les Roues de Secours, c'est quand même un drôle de nom de groupe. D'où est-ce que ça vient. Explication ?
Binam'... : Bon, ça c'est pour moi.
EsGibt : C'est Binam'... qui s'y colle.
EsGibt : Et peut-être une explication un petit peu plus cossue sur l'histoire du Roue de Secours qui n'est plus là. Parce que quand tu me l'as expliqué une fois à moi hors tout truc, j'ai trouvé ça tout à fait...
Pompon : C'est Olivier qui a inventé le nom, alors ?
Binam'... : non non non non, m'enfin je suis le seul qui reste de l'époque et à priori seul à pouvoir se souvenir vaguement du comment et du pourquoi. En gros, c'est tout bête. On fait un groupe pour s'amuser. Dans la cave, sans aucune autre idée, même pas de faire des concerts, d'ailleurs. On faisait des cassettes, ça nous amusait. On s'enregistrait et on les diffusait autour de nous. Donc il faut un nom. On n'avait pas envie d'un nom english ronflant, on voulait un nom pitre, du genre machin et les trucs.
Pompon : comme Eddy and the Play-Boys !
Non-identifié : Bill Haley and the Comets !
Non-identifié : Eddy and the Hot Rots !
MarCoR : comme Siouxsie and the Banshees, tu m'avais dit.
Binam'... : on a déballé des dizaines de noms et c'est celui-là qui a pris le dessus.
Pompon : ... oui, mais pourquoi celui-là.
Binam'... : parce que René Binamé fait très terroir, très local, très d'ici, et parce que les Roues de Secours, c'est très con.
Pompon : René Binamé, c'est un personnage qui a existé ou c'est une création de votre esprit.
R-man : je sais qu'il y a quatre ans, il y a un René Binamé qui était inscrit en Romane à l'UCL.
EsGibt : et y un gars qui s'appelait Binamé dans la vallée de la Meuse et qui était abonné à Aredje et alors il y quand même l'anecdote que tu retranscriras peut-être si tu as envie ou pas du disquaire...
Binam'... : et oui, le fameux disquaire de Namur chez qui j'allais déposer des cassettes en dépôts et qui m'avait posé cette même question. Je lui avais répondu : " parce qu'on voulais un nom con ". Et il m'a dit : " je te demande ça parce que je m'appelle Binamé ".
Pompon : et alors là t'étais bien emmerdé et il n'a pas pris de cassettes ?
EsGibt : si il a rigolé.
Binam'... : non... pas vraiment... heu... en fait je ne sais plus.
Pompon : au fil du temps, vous avez inventé une série de choses autour du nom, en imaginant que c' était un philosophe wallon originaire de la région de Dinant. Vous lui avez inventé une petite biographie...
Binam'... : c'est ça, une biographie ou on le décrivait comme un philosophe libertaire qui découvre le punk en 77, s'enfuit de son home et fini d'une overdose de dash nouvelle formule. Ce qui est dommage, c'est qu'à ce moment là personne n'y a vraiment cru. Par contre depuis, on nous en parle à gauche à droite de temps en temps, il reste un souvenir vague, un fantôme qui plane.
MarCoR : Je me rappelle de quelqu'un qui m'avait dit : " et alors c'est qui René Binamé ? ". J'ai dit : " Il est mort ! ". Et alors bon alors ça va.
Binam'... : et pour cette histoire de Roues de Secours. D'abord ça prend beaucoup de place sur une pochette ou sur une affiche ou alors il faut mettre le nom en tout petit. Et aussi quelque chose qui doit être plus qu'une coïncidence. René Binamé et les Roues de Secours serait en gros le groupe de départ et René Binamé serait le groupe tel qu'il s'est recristallisé avec EsGibt, R-man et Fabrice.
Pompon : alors, dans dix ans, le groupe s'appellera René ?
EsGibt : mais en France, soit c'est " les René " ou alors c'est " c'est qui René, il est où le rené "
Pompon : la formation originale du groupe, c'était en quelle année ?
Binam'... : c'était en 86.
Pompon : et maintenant, si on imagine un peu que vous fassiez comme Motörhead qui fête ses 25 ans ou Hawkwind pour ses 30 ans en rameutant tous les musiciens qui sont passés un jour par le groupe.
Binam'... : on a essayé, lors d'un festival qui a pris du retard comme ça arrive parfois et c'est finalement tombé à l'eau en cours de route quand on nous a dit du bord de la scène : " plus que deux morceaux ! "
R-man : ça a fini en embrouille avec le service d'ordre.
EsGibt : en fait, c'est ça, on avait fait toute une préparation avec des répétitions avec toute une série des guitaristes successifs. Tous ceux qui voulaient jouer ont participé à l'affaire. Et un trucs comme ça, c'est clair que ça prend du temps.
Pompon : si ça se faisait, vous seriez combien sur scène ? 15 ? 20 ?
MarCoR : y a eu 30 formations différentes.
Binam'... : 3, 4, 5, 6 ... non on serait une dizaine. Parce que c'est quand même relativement stable. Il y eu une période de transition avec un roulement assez intense mais depuis que R-man est là, ça n'a plus bougé sauf tout récemment.
Pompon : qu'est-ce qui fait que les gens s'en vont à un certains moment ?
EsGibt : pas l'temps !
Binam'... : du trio initial dont il ne reste que moi, y a d'abord Raoul qui a arrêté à cause d'un accident puis Laurent parce que pas l'temps. Les suivants ne faisaient que passer en attendant qu'on trouve quelqu'un qui s'installe. Y a eu Duke de Noise Gate et des jeunes, Azill de Vladimir et les Aérosols puis de Hiatus, Jonas de Dow Jones puis de Hiatus aussi. Puis EsGibt s'est installé
EsGibt : mais à ma connaissance, il y a jamais eu de dispute dans le groupe, tout le monde qui a joué a toujours été content de jouer ensemble et est toujours content de se voir.
R-man : ça, ça peut encore venir
Binam'... : tout est possible
EsGibt : bon, maintenant je crois qu'on est dans une situation assez explosive ! Mais par rapport à des regrets que j'ai sur des groupes précédents dans lesquels j'ai joué où les trucs ne se sont pas passé comme ça.
Pompon : il a pas eu de grandes prises de tête, de problèmes d'ego ?
Binam'... : les seules grandes prises de tête se sont résolues par des gens qui restait.
EsGibt : oui, les pires prises de tête, c'est ce qui nous fait tenir ensemble, c'est pas ce qui nous sépare.
Pompon : en même temps, comment vous faîtes. En général, les groupes jouent et tout ce qui est logistique, c'est pas eux qui s'en occupe. Vous, c'est clairement la sphère auto-production, on s'occupe de tout, on crée son label, on organise sa vente par correspondance, on fait un fanzine. Comment ça tourne, cette histoire là. Comment vous faite au niveau du temps.
Binam'... : ça tourne doucement, simplement, à petite échelle. Pour les concerts par exemple, on ne cherche pas à faire des concerts toutes les semaines, à faire des tournées permanentes. On n'a pas de manager qui booste pour nous placer partout, ça se passe par affinité, et grosso modo, les invitations et ce qu'on est prêts à faire s'équilibrent sur une grosse trentaine de concerts par an. C'est clair que ça bouffe du temps, que c'est une fameuse dépense d'énergie mais c'est un choix, on fait ça en petit sans besoin de passer à une soit disant " vitesse supérieure ". Ce qui, à mon avis, pourris la vie à pas mal de groupe, c'est les espoirs démesurés qu'ils nourrissent. Alors effectivement, débarquer dans une maison des jeunes pour jouer devant 50 personnes, ça doit être insupportable.
EsGibt : moi je pense qu'il y a une espèce de continuité dans la manière dont on fait la musique. Quand on fait un morceau ensemble, on essaye pas d'y retrouver quelque chose, enfin on essaye d'y retrouver des tas de choses mais pas un truc qu'on a entendu à la télé ou un truc qui doit être de tel type, de tel style. Il y a une continuité entre ça, la manière de faire les disques, les concerts, etc... En faisant le truc dans lequel tu te reconnais, tu penses à ceux dont tu as envie qu'ils se reconnaissent dedans. Ceux qui écoutent après, que tu ne connais pas du tout, à l'autre bout de la France, ou à l'autre bout de la Belgique, qui te dise " tiens, vous viendrez pas jouer chez nous ? "... si il t'invite parce qu'il ont écouté ce que tu fais, il y a beaucoup de chance que tu t'entendes bien avec eux quand tu arrives. On tourne comme ça en fonction de ce qu'on aime bien faire et de ce que d'autre aime bien écouter. C'est un rapport fort différent que si on intercale entre les deux un espèce de professionnel, un tourneur, ou un agent, qui doit absolument trouver des concerts, un peu n'importe lesquels.
Pompon : en fait les Binamé, c'est pas une structure qui fonctionne 24h sur 24.
R-man : c'est pas une structure du tout.
EsGibt : d'un autre côté, ce qu'on te raconte là, c'est vrai que ça prend du temps aussi. Parce que le tourneur, ou l'agent, il prends son pourcentage sur les concerts, il fait un certain travail et il présente un truc prêt à signer, prêt à jouer. Nous, on fonctionne pas comme ça, les contacts pour les concerts, il arrive chez nous. Et donc tout se sent, c'est des contacts directs, ça se gère au coup par coup, mais ça prend du temps.
Pompon : et puis bon, vendre des disques, je parle même pas de les enregistrer, de suivre le pressage, mais après, la distribution qui est quand même largement dans vos mains, ça prend aussi beaucoup de temps et d'énergie.
Binam'... : ce qui prend beaucoup de temps, c'est la vente par correspondance, faire des paquets. Ce qui prend aussi du temps, mais c'est parallèle aux concerts, c'est les stands, ça fait partie de l'énergie consacrée au concert.
EsGibt : parallèle au concert, tu veux dire pendant le concert. Si quelqu'un s'occupe d'installer une table avec les CDs, c'est pour moi la manière la plus sympathique qu'ils s'écoulent. C'est quelqu'un qui voit le concert, qui aime bien et qui a un contact direct avec celui qui tient le stand pendant que MarCoR...
Pompon : si je comprends bien, le stand est au bar
EsGibt : presque, à côté.
MarCoR : ou le bar est à côté.
Binam'... : et donc MarCoR intercepte les bières qui vont du bar à la scène, entre autres...
EsGibt : et c'est clair que ça prend du temps, tu ne peux pas faire ça en même temps que tu joues, si on part juste à quatre pour faire le concert, on n'a pas le temps de s'occuper de ça, d'où la présence permanente de MarCoR. Et puis il y a la distribution
Binam'... : qui se résume à porter un paquet de disques chez Bang !, et eux font le reste.
EsGibt : et les magasins commandent ou ne commandent pas, et puis voilà.
Binam'... : et si on n'est pas présent dans les magasins en France, ou en Suisse et au Québec, c'est parce qu'il n'y a pas parmi nous quelqu'un qui a l'énergie ou le désir de décrocher son téléphone pour négocier des licences ou que sais-je...
MarCoR : peut-être simplement parce qu'on ne sait pas ce que c'est, heu, comment on fait, ce genre de chose.
EsGibt : c'est clair que c'est une manière de procéder qui n'est pas naturelle pour nous. Par contre, allez jouer quelque part, y vendre 3 CDs qui circulent, qui se dupliquent, et quand tu reviens un an après plus ou moins au même endroit et tout à coup tu retrouves 20 personnes qui connaissent les morceaux. C'est clair que pour nous ce qui est sympathique, c'est que la musique circule et pour ceux qui l'écoutent qui sont pas plus que nous braqués sur l'objet.
R-man : c'est une diffusion qui coûte moins cher à tout le monde, nous on doit pas faire presser les disques et le gens doivent pas allez les acheter.
Pompon : c'est aussi pour ça que vous acceptez le téléchargement gratuit.
Binam'... : oui et pourtant, c'est un truc qu'on aime pas tant que ça, ça dépend par quel côté tu le prends. Télécharger un morceaux, c'est quelque chose que je n'ai jamais fait, parce qu'avec mon petit modem, ça prendrait un temps fou et donc ça coûte un maximum. Sans parler de ceux qui n'ont pas d'accès à la toile. On n'a pas envie de pousser à la consommation, à la course au débit, câble, ADSL, etc... Mais en même temps, c'est une réaction face au discours courant sur internet où tout serait soi disant disponible, l'information, la musique. A condition de sortir sa carte de crédit, bien sûr, mais ça on n'en parle pas trop. Tu ne trouveras vraiment ce que tu cherches qu'à condition qu'en face quelqu'un ai fait la démarche symétrique de mettre à disposition l'info ou la musique dont il dispose. C'est ce qu'on fait avec nos morceaux, avec notre fanzine. C'est une manière de confronter les démarches. Il est bien précisé sur notre site qu'on n'y trouve que les morceaux dont nous sommes les auteurs, et pas les reprises qui font partie du répertoire de la SABAM ou de tout autre SACEM. C'est un pied de nez. Maintenant, savoir si quelqu'un les télécharge, c'est autre chose.
R-man : si si, y en a.
Binam'... : j'imagine des gens qui télécharge au boulot et qui grave des CDs à la pause de midi, c'est déjà ça de temps en moins qu'ils passent à enrichir leur boîte.
EsGibt : sinon, il y a aussi l'idée de graver un CD qui reprends la totale des morceaux en MP3 et le site dans l'état où il est ce jour-là et éventuellement l'une ou l'autre surprise en mini-vidéo mpeg, et qu'on pourrait alors diffuser par le stand pour ceux que ça intéresse. Et ça contourne déjà le problème du téléchargement, du raccordement, de la liaison. Et celui qui a un ordi avec les petits programmes peut écouter le tout sur sa machine à une qualité qui correspond à ce qu'on attend d'un CD sur un ordinateur.
Pompon : pour revenir au problème de base qui est que la plupart des groupes ont envie de vivre de leur musique. Moi, y a un truc qui m'épate chaque fois, c'est que quand vous sortez un album complet, vous annoncez la couleur, ça coûte 400 francs, donc quasiment deux fois moins que le prix d'un CD habituel. C'est une volonté délibérée de ne pas faire de bénéfices ou c'est une volonté délibérée que ça reste accessible à tout le monde. Pourquoi pas 300 ou 600.
Binam'... : c'est une bonne question qu'on s'est lourdement posée surtout cette fois-ci. La première fois qu'on a fait un disque, il ne restait pas d'argent du pressage précédent, forcément, on ne savait pas combien on allait en vendre, on a fixé le prix à 400 balles je sais plus très bien pourquoi. Et mine de rien, c'est pas si peu que ça, faut savoir qu'un disque, ça revient physiquement à 70 francs, plus bien sûr tout le reste.
Pompon : oui, mais y a les frais d'enregistrement, la location du studio,...
Binam'... : c'est ça, mais maintenant on enregistre plus en studio, on s'est acheté du matériel de-ci de-là. Et finalement, s'il est à 400 balles cette fois-ci, c'est plus par habitude. C'est la seule raison, c'est très arbitraire.
Pompon : mais le fait de faire un disque et d'en vendre une quantité appréciable d'exemplaires, ça vous donne aussi de l'argent pour les projets futurs ou bien vous vous posez même pas la question. Qu'est-ce qui se passe dans vos têtes quand les albums sont vendus et que vous avez l'argent en main.
MarCoR : oui mais est-ce qu'on a l'argent en main ?
Binam'... : c'est de l'argent qui disparaît très vite, parce que...
Pompon : dans des bacs de Jupiler ?
MarCoR : non, non !
Binam'... : non, quand tu regardes l'ensemble des concerts qu'on fait, il y en a qui sont payés royalement, on en fait qui sont pas payé du tout, on fait qui coûte très cher parce que c'est très loin et on en fait qui coûte rien parce que c'est tout près.
Pompon : par exemple, si vous allez jouer à Genève...
Binam'... : c'est clair que ça prend un peu de tunes de la caisse. Et puis quand on va jouer à Jette, c'est le contraire. Mais par rapport à 70 balles le CD, il y a effectivement tout le reste, il y a tout les frais divers, et on constate qu'on n'est pas en train d'accumuler un capital qui nous permettra un méga-projet l'année prochaine, mais on a en général de quoi presser le prochain.
EsGibt : je pense que de toute façon, dès qu'on parle de ces questions de fric, on se retrouve dans des contradictions énormes, mais c'est ça aussi qui m'intéresse dans la démarche qu'on a parce que pour la plupart des groupes, en tout cas pour beaucoup de groupes, la question du fric se présente comme une question qui est simplement cumulative, on pense souvent que elle se pose d'une manière, y a pas encore assez mais ça rentre, ça va rentrer, ça va rentrer plus. Alors que pour nous, dès la base, le fait d'être obligé de demander du fric à quelqu'un pour quelque chose, c'est de toute façon, on sait bien que c'est tu dois prouver que tu as travaillé pour obtenir ça. Donc, de toute façon, cette question du fric est pour nous une question chiante. A partir de ce moment là, on est obligé de composer avec, on ne se promène pas sur une planète qui tourne autour de la terre, on est là, on fait des disques aujourd'hui.
Pompon : c'est une société marchande, donc le disque est une marchandise.
EsGibt : tout à fait, le disque est une marchandise
Binam'... : autant que les autres, et les disques copiés dont on parlait tantôt le sont eux aussi autant que les autres. Le disque gravé à la maison est d'abord acheté en magasin.
Pompon : donc, on pourrait dire d'un point de vue capitaliste qu'en vendant le disque à 400 francs, vous bradez la marchandise.
EsGibt : ce qui a, c'est que... on brade... ce qu'y a c'est que je crois qu'y a vraiment... y a un moment ou y a des espèces aiguillages. On est comme tu dis à l'intérieur du capitalisme et c'est vrai que le CD copié, tu l'as acheté comme CD vierge, tu le graves comme CD à copier, ça fait exactement aussi complètement partie d'une filière un peu différente, un aiguillage à un moment à l'intérieur du système et même si... bon, déjà, point un : on parle de ça dans nos chansons, donc ça c'est déjà un point qui pour moi est important, c'est qu'on parle de ça et qu'on parle de ça dans les chansons et dans les interviews... point deux : c'est la question finalement, pourquoi des disques sont moins chers ?, et aussi qui bouffe avec ça ?, qui prends des tunes là-dessus ? Pour nous, la question se pose plutôt de manière : on est obligé de travailler pour bouffer, on fait de la musique autant qu'on peut par rapport à ça, et si on fait de la musique qui commence à nous prendre plus de temps, comment on ferait pour bouffer malgré que ça nous prend plus de temps ? La question n'est pas pour nous comment on va faire pour bouffer avec la musique parce que je crois que dès qu'on se la pose comme ça, alors tout à coup, on prend un autre aiguillage, et un autre aiguillage pour lequel toutes les structures sont prêtes, tu te professionnalises.
R-man : alors, tout change !
Pompon : c'est l'aiguillage classique. Enfin c'est le proverbe en Angleterre, qu'est-ce que font quatre chômeurs pour échapper au chômage, bèh y font un groupe de rock en se disant comme ça je ne travaillerai pas à l'usine comme mon père... donc ça devient un métier.
EsGibt : oui, mais pour quinze mille qui font un groupe de rock dans leur garage, y en a que quelques uns qui sont engagés comme... Et alors à partir du moment où tu es engagé ou entre guillemet ça marche, tu deviens un employé et donc quelque part, et ça c'est notre conviction profonde, c'est que un groupe qui entre guillemets passe professionnel, ce qui passe pour une espèce d'aboutissement de carrière, d'aboutissement d'une démarche, à ce moment tu deviens un employé comme papa à l'usine justement. Et des personnes que tu tiens pour complètement sympathiques et qui s'amuse complètement dans ce qu'elles font, quand tu les vois tout à coup en backstages quand y sont occupés à faire leur xième tournée avec leur musiciens de studio bazar machin et tout.
R-man : obligé parce qu'il faut bien vivre.
EsGibt : tu te rends compte qu'il se fond ni plus ni moins chier que quelqu'un que tu peux interviewer à huit heures du matin dans le métro le lundi.
Pompon : en fait il y beaucoup de groupes qui s'autoproduise par nécessité parce qu'il n'ont pas le choix mais dont le rêve secret est que, malgré tout, le manager bonne fée leur tombe dessus en leur proposant un contrat mirifique. Vous, c'est auto-production par volonté délibérée.
EsGibt : mais je crois que ça commence d'abord par auto-production parce que envie... mais là je t'enlève peut-être les...
Binam'... : non, ça va, j'écoute, j'attends de voir ce que tu m'enlèves.
EsGibt : non parce que j'était pas là au début du groupe, mais que c'est d'abord l'envie de dire on sort un disque parce que on a envie de le sortir et que c'est d'abord une nécessité comme ça et petit à petit dans le cours même de la démarche il s'impose que la manière agréable de continuer à sortir des disques est de les sortir soi-même comme t'as envie de la faire au moment où t'as envie de le faire de les vendre au pris ou t'es plus ou moins forcé de les vendre si tu décides...
Pompon : de pas te casser la gueule.
EsGibt : pour pas te casser complètement la gueule... et idem pour les concerts, que les concerts sympathiques sont quelques part les concerts à la maison, ou t'as pas de tickets, pas de bar, etc... Et que souvent les concerts ça va de ça à des trucs où il y a du fric partout et qu't'as un mélange des deux et que les trucs les plus agréable sont ceux où c'est le proche de la non séparation entre les musiciens, la personne qui t'invite, celui qui serait censé dire bonjour moi j'amène les bières... euh... ou on se retrouve... euh... au secours...
Tous : ah ! ah ! ah ! ah ! ah !
Binam'... : ah ! moi j'étais en train de réfléchir à ce que j'allais compléter par rapport à ce que t'avais dit au début donc j'étais pas prêt à prendre le relais... mais bon si je le dit comme ça, ça va...
Pompon : ça va être chouette, ça va être sympa pour la retranscription, alors écoute MarCoR, tu sais ce que tu fais, tu retranscris tout tel quel et le lecteur y retrouveras ses petits.
MarCoR : oui je sais
Pompon : donc, Olivier, qu'est-ce que tu as envie de... ?
Binam'... : c'était par rapport à cette histoire d'auto-production désirée ou non... il y a déjà la manière dont tu fais ton groupe on peut imaginer plein de choses. Comme j'ai dis tantôt, on le faisait à la cave et on avait envie de faire des cassettes et de les diffuser, par pur plaisir, un peu comme les groupes alternatifs français qu'on connaissait pas très bien mais dont on avait cru comprendre qu'ils faisaient leur trucs eux-mêmes... même si on ne savait pas très bien ce qu'ils faisaient point de vue musique parce qu'on a eu accès à leurs disques plus tard... Donc ça, c'était un peu ce qui nous excitait et hop c'est ce qu'on a fait puis des contact se sont fait de ci de là... un magasin où on avait déposé des cassettes qui nous dit on produirait bien ensemble un 45t... ça s'est enclenché et puis ça ne s'est pas fait quand on s'est rendu compte petit à petit qu'on avait pas trop envie que quelqu'un d'autre vienne te dire par dessus l'épaule peut-être un peu plus comme ceci ou un peu comme cela... et on a décidé de le faire nous-mêmes... donc c'est un truc dont on a pris conscience en cours de route, à coup de petit non... c'était pas vraiment une volonté délibérée dès le début mais après coup on finit par se demander si cette volonté n'étais pas bien là dès le départ mais inconsciente... En tout cas, y a jamais eu volonté de chercher un contrat ou que sais-je, un mécène, un label...
Pompon : question un peu à côté, dans cette interview très binamé binamé, mais qu'est-ce que vous pensez du mouvement hardcore ? Par rapport justement à toute cette problématique du pognon où l'on a d'un côté l'impression que la famille hardcore a tout un discours très égalitaire : on se soutient entre groupe, on s'adore, on crée ses propres structures. Et effectivement, il y a plein de labels hardcore spécialisé. Et puis, quand, en même temps, je vois le prix des fringues qu'il mettent, je me dis : OK, c'est peut être de l'underground, mais c'est du commerce underground qui coûte vachement cher. Parce que pour s'équiper en fringues hardcore il faut être riche aujourd'hui.
MarCoR : mais, attend, là, tu parles du hardcore en général ou bien du hardcore belge, ou heu...
Binam'... : hou ! Est-ce que je sais seulement de quoi il est question ?
Smurf : ils reproduisent des choses qui étaient essentiellement naturelles à la base. C'est à dire des gens qui vivaient un style, qui ont reproduit des musiques, qui les ont un peu changé au niveau de la couleur. Des trucs qui venaient du punk. Biohazard, la première fois qu'ils sont venus en Europe, y avait 20 personnes 30 dans la salle. Petit à petit, les gens qui y allaient, c'étaient des punks ou des trashers, enfin des espèces de... pas cette tenue... donc... pas tout le mouvement hardcore qui existe pour l'instant. La mode a créé le " respect ", je veux dire pour être hardcore faut... tu parles de soutenir les groupes tout ça... Dans l'esthétisme, dans la mode du mouvement hardcore, y a le " respect ". Y a être safe, vraiment propre sur soi, être correct. Y a tout une mode, qui logiquement n'est pas une mode, c'est la solidarité à Brooklyn à la base, qui est un quartier assez puant où les gens...
Pompon : mais... par rapport à l'argent, parce qu'on parle d'auto-production et d'argent, souvent on entend dans le discours hardcore : fuck le monde ! nous on se débrouille tout seul ! Est-ce qu'il sont dans ma même logique que vous ou est qu'il veulent être un jour les Stones à la place des Stones? Même si ils ne le savent pas eux-mêmes.
Smurf : concrètement... moi je ne pense pas que... enfin y a une envie qui est à la rigueur : moi je suis dans la merde totale j'ai pas d'argent. Moi, l'exemple le plus flashant que j'ai eu, c'est j'ai failli me faire casser la gueule par les gens de Arkangel, à l'entrée, parce que je leur demandais de payer l'entrée, chez Zelle quoi, la maison de jeunes de Louvain-la-Neuve... Y m'ont dit : ouais j'ai pas de tunes, on est dans la merde... Je dis : ouais, t'as un Lacoste, ? ? ?, tes pompes Nike, tout est cher, quoi... alors, tu me dis pas que t'as pas de tunes. Et y répondent : Ouais, mais on vole tout. A la fin, y essayent de me taper dessus, je me défend un peu puis je les fout dehors. Et y sortent la carte et y vont chercher des tunes sur leur compte. Voilà, ça, pour moi, ça résume la situation. Mais bon Arkangel, c'est pas les plus gentils dans l'histoire. Si tu prends Out For Blood, Alain, et tout ça, qui est vraiment un mec bien, qui a plus ou moins la même démarche que Aredje, Binam', mais qui s'est mis comme indépendant, qui doit survivre, qui doit vivre, et donc il a un label qui devient commercial. Concrètement, les trois quart des groupes que je vois dans le style hardcore, ils ont de l'argent. Crucefaxion qui répète chez Zelle, qui est un groupe qui marche assez bien, c'est des enfants de gens qui ont beaucoup d'argent. Et y reproduisent un image du pauvre typique du jeune ado qui a envie d'avoir l'air du pauvre qui s'en sort... Mais c'est faussé, quoi, du début à la fin, au niveau argent en général le hardcore en Belgique et en Europe...
Pompon : je pose la question parce que par rapport à la démarche de Aredje, de Binamé, y a plein de gens qui développent ce discours de l'auto-production, de l'indépendance, de label indépendant. Et puis, on s'aperçoit qu'au fil du temps, oui, y a des labels indépendants qui restent intègres, on va prendre dischord de Fugazzi dans le registre noise ; et puis qu'en fait, pour prendre à l'autre bout du spectre, Virgin au départ était aussi un petit label indépendant. Donc qu'est-ce que ça veut dire label indépendant ?
EsGibt : comme PIAS en Belgique. Au départ, c'était des copains, et puis les copains y z'ont travaillé ensemble, et puis les copains ont viré les copains, y sont devenus bien crapax les uns avec les autres !
MarCoR : y z'ont virés, y z'ont viré l'un puis l'autre...
Pompon : est-ce qu'on pourrait imaginer un jour que Aredje ait une compagnie d'aviation ou une fabrique de trottinette pour rester plus modeste ?
EsGibt : ce qui moi me met complètement mal à l'aise, c'est que on est complètement contradictoire par rapport... contradictoire mais on a, je veux dire qu'on est lucide par rapport à ces contradictions. C'est que en même temps, on sait bien que voilà bèh euh demander à une usine de fabriquer 1000 CDs, ça nous fait mille marchandises qu'on se retrouve avec sur les bras et que...
MarCoR : un stock à revendre... et à stocker...
Pompon : à gérer, quoi.
EsGibt : et qu'on imagine bien les conditions de travail de ceux qui travaillent dans les usines de fabrication de CDs, idem dans les usines de fabrication de CDs vierges, idem dans les usines de fabrication de cassettes. On a le choix que de se diffuser par des moyens qui sont ceux de l'économie d'aujourd'hui, et que on est en même temps débectés par ça, et qu'on le dit, et qu'on a pas le choix dedans pour se diffuser. Et que pour nous le but, c'est de se diffuser, et c'est pas de sortir un produit qui va nous générer des dividendes par le fait de la quantité.
Binam'... : oui, et même... le but, c'est de se diffuser, OK. Tu pourrais dire : on se démène comme des malades pour que cette diffusion soit maximale ou que sais-je... En fait, on ne se démène pas comme des malades, on déploie sans doute une énergie qui peut étonner mais ce qu'on fait, ça reste tout à fait supportable. Cette histoire de CD-rom dont tu parlais tantôt, par exemple, qui va sortir avec nos morceaux, c'est pas pour rien qu'il est pas encore sorti. C'est parce qu'effectivement on travaille pas sur ça 24h sur 24. Du coup, ça viendra quand ça viendra ! C'est pas pour rien que l'album qui vient de sortir, il est sorti maintenant et pas y a trois ans. C'est un ensemble de raison. D'un côté, on aurait pu se dire... on aurait pu boulotter à fond dessus et y serait sorti plus vite. Vrai ! et faux ! Parce qu'il aurait pas été le même si on avait fait le forcing il y a trois ans. On l'a laissé courir parce que voilà, merde, on vit, aussi, en dehors du groupe, et ça aussi, ça prend du temps et de l'énergie, et c'est tant mieux. Et puis quand on a eu envie de retourner en studio pour l'achever, ça l'a fait. Tout ça, c'est des trucs qui se font hors de considération du genre " gestion des stocks ". Y a pas un moment ou on se dit qu'il est temps de remplir la caisse du label, qu'il est temps de ressortir un disque. On est pas le pif sur la gestion, de ce point de vue là. Par contre, effectivement, maintenant, y a des trucs, y a à payer le disque, etc...
EsGibt : à tel point qu'au niveau gestion, on est tellement toujours à la bourre derrière les trucs qui faudrait...
Binam'... : ça, s'est clair que nous, c'est pas les flux tendus, c'est les flux relâchés !
EsGibt : c'est tellement les flux relâchés que pour tout ce qui est officiellement la gestion, on court toujours derrière, et que pour le peu qu'on fait au niveau TVA, statuts et tout ce que tu peux imaginer, on va d'office se ramasser tous les arriérés de tout ce que tu peux imaginer, qui fait que dès que y a un peu de fric qui rentre, on arrive encore à se l'engouffrer en amendes sur le truc qu'on n'avait pas pensé qu'il fallait remettre, déclarer à temps que... On est d'office un peu en décalage par rapport à ces trucs et on est d'office ponctionné un maximum sur le peu qui se passe qui permet que ça s'auto-subsidie depuis 10 ans. Enfin, s'auto-subsidie, que ça s'auto-survit depuis le nombre d'année que nous sortons des disques.
Smurf : pour répondre à ta question si un jour Aredje aura des avions. Moi j'ai pas l'impression que j'ai envie de mettre du temps. J'ai plein de chose à faire dans ma vie et une partie de ma vie, c'est de faire un peu de musique. Mais j'ai pas envie de travailler sur ça. Y a jamais un moment où je vais travailler pour Aredje.
EsGibt : oui, mais justement, c'est comme quand tu disais diffuser... effectivement, le meilleur moyen de réussir un album, c'est pas d'avoir envie de faire l'album qui va plaire à tout le monde, c'est de faire l'album que tu as envie de faire et dont tu constates qu'il plaît à ceux à qui tu pensais pendant que tu étais occupé à le faire. Et du coup, quand il se promène et que quelqu'un te dit, j'ai écouté, j'aime bien, venez jouer ça chez moi, y a beaucoup de chance pour que tu aimes bien ceux qui t'ont demandé de venir.
MarCoR : tu l'as déjà dit !
Esgibt : excellent ! Oui ! Mais on coupera ! Non mais, du coup la diffusion... mais c'est vrai que tu disais : la production, c'est pas un but en soi. La diffusion, c'est pas un but en soi non plus... c'est diffuser pas n'importe quoi en investissant tout un truc qu'on aime bien dans ce qu'on fait et c'est comme ça que le contact se fait avec ceux qui aime bien aussi.
Pompon : en fait, c'est le principe de l'An 01 de Gébé quoi : on arrête tout, on réfléchit et c'est pas triste. Ce qui explique qu'on ne sait jamais d'avance quand un numéro d'Aredje sortira, ou quand est-ce qu'un disque des Binamé sortira. Y a pas de planning.
MarCoR : au niveau Aredje, y a un planning parce que la poste, sinon on n'a pas les bons tarifs. On a déjà été engueulé à cause de ça parce qu'on était pas assez mensuel, alors on a décidé qu'on était bimestriel.
Binam'... : par contre, pour un disque, effectivement, y a pas de planning. Et par rapport à cette diffusion, par rapport à ces prix et tout ça, y a aussi des moments où on a eu des projets qui fonctionnaient différemment. Là, on est en train de faire un disque qu'on diffuse grosso modo normalement, mais on a fait les disques de Noël qu'on distribuait aux concerts
MarCoR : et de Saint-Valentin aussi.
Binam'... : qui sont une manière de tendre vers le truc qui nous est le plus agréable qui serait de donner le disque plutôt que de le vendre...
Pompon : effectivement, le gars qui arrive à l'entrée, y paie un prix et il a le concert et le disque.
Binam'... : et ce qui nous était important, c'est que ce soit un minimum, pas une sorte d'offre promo, que ce soit un vrai cadeau. Bien sûr, on n'y échappe pas complètement, on s'arrange pour qu'il y ait assez de sous qui rentre pour que tout soit payé. Mais c'était 200 balles, disque plus concert. Et le simple fait de distribuer ces disques à l'entrée, c'est monstrueusement plus gai que de les vendre, c'est une autre manière de diffuser les disques.
Pompon : autre question, changement de sujet. Le public de René Binamé, comment est-ce que vous voyez le public des Binamé ?
Audric : moi j'adore le public des Binamé.
Pompon : y a le côté caricatural : bon, pompon arrive aux magasin 4, et quand y a les Binamé, bèh OK, y a les punks à crêtes avec les clébards.
MarCoR : hé ! y a pas que ça, y a les petits jeunes !
Pompon : oui mais hé ! y sont là, au rez-de-chaussée, y sont là... et même que Cathy et les autres leur donnent des bols d'eau et tout parce que apparemment leur maître ne s'en occupent pas toujours bien des clébards, m'enfin bon.
EsGibt : moi la caricature, quand Pompon vient au Magasin 4, c'est les filles qui dansent sur le bar.
MarCoR : avec des t-shirts Hop !
Pompon : oui, mes filles, pas des filles, pasque ça.
EsGibt : non, mais ça, c'est tout à fait étonnant, le Magasin 4 ! C'est une des seules fois dans l'année où on s'installe à l'entrée pour assumer le fait de : bonjour on vous fait payer pour venir voir notre concert ! Et c'est toujours une surprise complètement étonnante de voir le côté complètement disparate d'apparence des personnes qui viennent au concert, que je trouve moi complètement sympathique et qui pour moi justement correspond au fait qu'on ne fait des morceaux pour plaire à une famille musicale en particulier et que c'est grâce à ça que ça peut plaire non seulement à ceux qui aime bien pour certains côté cheap pop punk bizarre, tout ce qu'on peut mélanger, et en même temps à quelqu'un qui peut être sensible au...
Pompon : ce que je voulais dire à travers la question : justement, y a la hardcore attitude avec les fringues qui coûtent un max et j'ai pas d'argent mais j'ai une carte de crédit et y a la punk attitude. Et en fait, euh, les Binam ont justement pas du tout la punk attitude au sens cliché du look, etc.. etc.. La musique non plus, elle est pas spécialement punk en terme de clichés, c'est pas une reproduction de Damned ou des Pistols. Mais malgré tout, on constate une fidélité du public punk au sens large vers les Binamé et les Slugs. Enfin, comment vous expliquez cet attachement que ce public là a pour vous ?
Smurf : y a quand même l'aspect visuel qui fait que sur une salle de trois cents personnes, on va voir vingt punks et on va flasher sur les punks, à fond.
Binam'... : mais je dirais c'est pas la réponse à la question. La question, c'est...
Pompon : y a quand même un attachement.
MarCoR : on les connaît, quoi, finalement, personnellement.
Smurf : y a un rapport anarchiste, quoi. Dans les paroles : police, état, clergé, tout ce côté là. C'est le pont, et la distorsion dans les guitares. Je veux dire, et le rythme... heu le rythme comment...
EsGibt : carré !
Smurf : carré ! non pas carré, mais caisse claire, grosse caisse, charley... qui est vraiment punk, dans la structure... dans son côté binaire sans côté péjoratif dans tous ses bons côtés, qui est hyper appréciable pour faire ce qu'on appelle un pogo.
Binam'... : bèh, c'est vrai que dans les concerts comme on les fait, je pense qu'il y a un côté comme ça, très très punk... mais certainement pas que ça...
Pompon : ah non, pas que ça !
Binam'... : je pense qu'on est un groupe qui est punk et je crois que quand on l'est authentiquement.
Pompon : justement, quand tu dis : pas que ça. Tu as beaucoup de groupes qui sont pas que ça et le public punk fidèle s'en va parce que justement le groupe n'est pas que ça. Tandis que vous, vous êtes pas que ça mais le public punk vous reste fidèle... tu vois ce que je veux dire... donc je reviens à ma question : comment expliquer cet attachement de ce public là ? Je pense pas que c'est une question de musique.
Binam'... : bèh, je vois des groupes ska-punk français dont j'ai l'impression que les passages punks, car il y en a dans leurs concerts, sont une espèce de cahier des charges, autant de pourcentage de morceaux binaires avec guitare distorsionnée, autant de pourcentage de morceaux avec la section de cuivres. Je crois que les gens qui aime un style de musique ou un autre ne trouve pas leur compte, tu ne sens pas l'authenticité du groupe qui joue pour toi mais plutôt un groupe qui joue un truc à la manière de... des agents d'ambiance, quoi, comme disait EsGibt tantôt... Par contre, je pense que quand nous, on fait des trucs rentre-dedans, on les fait pour le plaisir de la faire et pas parce qu'on a l'impression qu'on a 20% de punks dans la salle à satisfaire en leur offrant leur dose de pogo. Je crois d'ailleurs que si on faisait ça, ça ne leur plairait pas...
EsGibt : je crois que ce qui est drôle justement avec ceux à qui tu penses en voyant ce côté là des concerts, ce qui est drôle justement, c'est de tout à coup jouer...
Pompon : en tout cas, quand tu arrives, c'est eux que tu vois le plus.
Binam'... : ça dépend qui, parce que je crois que eux quand ils arrivent, ceux qu'ils voient le plus, c'est les vieux...
Pompon : quoi ? moi ?
Binam'... : bèh oui, toi, par exemple, mais t'es pas le seul, y en a d'autres, tu les vois peut-être pas mais y en a d'autres... et les punks doivent se dire : m'enfin mais c'est quoi tous ces vieux qui viennent aux concerts Binamé ? Pourquoi y viennent ? Qu'est-ce qu'ils trouvent dans ces concerts punks ?
EsGibt : c'est vrai que ça, c'est marrant, on a vu clairement, t'avais des parents qui venaient avec leurs gosses. Et si tu demandes au punk ce qui l'a surpris au concert... tiens c'est voir un gars au bar avec ses deux filles, je sais pas quel âge elles avaient au Magasin 4.
Pompon : à cette époque là, cinq et sept ans.
EsGibt : c'est ça que je trouve drôle. Et le côté sympathique, enfin le rapport sympathique qu'on a par rapport à ça " les punks qui viennent aux concerts ", c'est qu'en même temps, on va jouer une espèce de valse ou un morceau complètement barge, enfin complètement entre guillemets barge et qui justement passe très bien parce qu'ils savent aussi qu'ils viennent pour entendre ces morceaux là à côté des autres.
Pompon : MarCoR, tu voulais dire quelque chose...
MarCoR : oui, je me rappelle d'un concert, enfin d'un truc dont j'ai pas si il faut se rappeler, c'est un concert à Caen ou y a trois punks qui ont dit : c'est quoi ça, y avait marqué concert punk sur l'affiche et c'est quoi ce groupe qui fait l'Internationale, c'est pas un groupe punk...
Pompon : vous êtres tombés sur des punks cliché...
Binam : des punk-rockers qui me rappelle la discussion sur les hardcoreux tantôt... ça me rappelle un catalogue punk allemand ou tu te demandes ce que c'est que ce cirque : la veste en cuir à l'effigie d'un groupe, les bracelets cloutés et tout le bazar, et tout ça coûte très très cher, c'est une espèce de marché de niche typique.
EsGibt : et oui, c'est le morceau de Dead Kennedy's Anarchy for sale... Mais finalement, si tu peux voir les looks comme des clichés, je crois qu'on peut pas faire venir à nos concerts quelqu'un qui est complètement attaché aux clichés... parce qu'il va être déçu.
Binam'... : on peut être étonné de voir les uns ou les autres à nos concerts, mais je crois par contre qu'on ne se dira pas comme à certains concerts où le public est sectaire parce que le groupe l'est, l'organisateur l'est, la salle l'est, tu vas pas te dire en voyant un vieux con, ou le vieux con en voyant un jeune punk cliché, il va pas se dire : mais qu'est-ce qu'il fout là celui-là ? Je crois plutôt que c'est une sorte d'étonnement et de plaisir, de voir des petits jeunes et des vieux schnocks.
R-man : et qui sont vraiment ensemble dans la salle, qui sont là pour la même chose.
Pompon : y a pas des sous tribus qui sont chacunes de leur côté effectivement.
EsGibt : c'est vrai que quand ça arrive tu les sens et c'est pas un truc agréable. Et les trucs qui sont agréables, c'est quand tu sens justement qu'on est au-dessus des clichés.
MarCoR : qu'on oublie qu'il y a un mélange et qu'on devient presque notre propre tribu, on reprend notre esprit.
Pompon : pour terminer avec le public des Binamés, explique-nous Audric pourquoi tu aimes le public des Binamé.
Audric : je ne répondrai pas à cette question !
Pompon : oui mais c'est con ça !
Smurf : qu'est-ce qui te pète quand tu vois les publics ?
Audric : c'est quelque chose qui me permet, après les galères, de passer à quelque chose de positif, donc ça me permet de vivre, les Binamé, le public, l'ensemble, ça me remet positivement dans la vie, en résumé.
Pompon : c'est vrai qu'y a des groupes, on a envie de les voir, et puis parfois quoi bon on se dit j'y vais pas parce que j'ai peut-être envie de voir le groupe, mais j'ai pas envie de voir le public. Tu vois ce que je veux dire ?
Smurf : oui oui tout à fait oui.
EsGibt : tu n'aimes pas les chiens c'est ça ?
Pompon : si j'adore... non non, mais moi, par exemple, j'adore Length of Time mais le public de Length of time m'emmerde !
Smurf : mais Arkangel, c'est pire, quoi par exemple !
(rires)
Pompon : c'est pour ça qu'effectivement, j'ai envie de poser la question quand tu dis comme ça, cri du cœur : j'adore le public des Binamé !
Audric : je crois que le public des Binamé, c'est un public ouvert qui est prêt à enchaîner sur les choses qu'on leur propose.
Pompon : donc pas un public sectaire ?
MarCoR : non, malgré moi, non...
Audric : un peu azéguégué mais...
MarCoR : oui bon, ça c'est pas grave.
Smurf : y a vraiment de tout, là où on va jouer, y a tout quoi.
Binam'... : y a des troupes de scouts et des troupes de gays anarchistes
Pompon : c'est vrai que le Woodjet Festival à Jette au départ, c'est un festival créé par une troupe de scout.
MarCoR : on pourrait peut-être également parler du fameux festival à Pont-Saint-Esprit, aussi.
R-man : mais c'est un des seuls concerts où c'était vraiment que des punks en fait...
MarCoR : non y avait pas que des punks !
R-man : non y avait pas que des punk,s mais ils étaient clairement une vraie grande majorité.
MarCoR : c'était une grande messe on va dire...
Binam'... : une grande messe du punk rock français... qu'une bande d'organisateurs voulait absolument organiser. Dans leur tête c'était dans l'esprit de Bérurier Noir. Pour pouvoir l'organiser, ils ont dû s'acoquiner avec une asso, non pas une asso, une société d'organisation, qui prenait tout en main, sono, service d'ordre hyper musclé, et les contacts avec les autorités. Ils ont en fait signé un pacte avec le diable.
MarCoR : sans le savoir, je crois, à l'époque...
Binam'... : sans le savoir, mais sans doute en se cachant les yeux tellement ils avaient envie de faire le festival... C'est pas rare, les gens qui veulent tellement inviter un groupe et finalement oublie que les conditions ne sont pas idéales. Ça peut être dans tous les sens. Ça peut être un groupe, comme nous, qui espère un concert décontracté et qui se retrouve dans un truc hyper... merde le geste va pas passer sur la cassette... enfin bon, voilà... stress, quoi... Ça peut aussi être le contraire, un groupe qui demande un gros cachet, des conditions techniques et tout et tout... et ça peut déboucher sur des flops spectaculaires et des déficits énormes... y des malentendus possibles dans tous les sens... là, le malentendu, c'était qu'une moitié des organisateurs se foutaient de l'esprit Bérurier de départ... les tracts appelaient tous les punks de France à converger vers Pont-Saint-Esprit et c'était pour se retrouver devant un service d'ordre qui leur refusait l'entrée. C'était assez cocasse comme situation et ça a été assez explosif. Et là dedans, on a pu comparer les types de réactions des groupes qui rêvent d'un circuit punk rock efficace qui les fassent tourner toute l'année avec cachet garanti et qui les fassent vivre et qui finalement trouvaient que tout se passait très bien et nous qui pensions que c'était vraiment pas l'idéal.
MarCoR : et on n'était pas les seuls, heureusement, y des gens qui nous ont contactés justement à cause de ça, parce qu'on trouvait que c'était pas idéal.
EsGibt : c'est à dire qu'après, on s'est expliqué sur la manière dont on a vécut ça.
Smurf : pour revenir au public, pour rajouter une pièce, moi j'ai l'impression que le public qui vient là globalement, est un public fanzine, petit réseau, qui aime bien s'informer par autre chose que les grosses presses, et que dans un public fanzine, y a pas que des punks.
Binam'... : oui, y a ça plus un public local attaché à l'endroit où tu vas et qui lui n'est pas forcément un public réseau... t'as les gens qui se déplacent, qui sont près à faire des kilomètres pour aller voir un concert parce que justement quelque chose qui fait partie du réseau...
Pompon : tu veux dire les gens attachés à un endroit, par exemple la maison des jeunes de Tamines ou...
MarCoR : pas spécialement, plutôt de Waismes.
Binam'... : à un endroit ou à un groupe, un groupe de copain, un réseau local qui a fait tourner la cassette, parfois depuis des années.
EsGibt : enfin c'est clair que si je dois repenser à des exemples de concerts sympathiques dans ces derniers temps, c'est vraiment des concerts " à la maison " quoi... quand on a joué à Paris la dernière fois, on a débarqué...
MarCoR : à Montreuil !
EsGibt : ouais, à Montreuil-sous-Bois, juste hors périph, effectivement... on va dire Paris, parce que pour les Bruxellois ou les Thudinois, ce sera Paris juste en bordure de périphérique. Et t'arrives chez des copains, comme ça, tu loges, on va se faire une course, on se fait la bouffe, bon on s'installe. Tout le monde est aller acheter de quoi boire, de quoi picoler pour la soirée. Et y a une espèce de continuité entre le truc 'on est content d'être ensemble' et 'ha oui tiens on se mettrait pas à jouer oui OK on fait le concert'. Par rapport à ce qu'on fait miroiter à un groupe qui se dirait que la réussite c'est jouer à l'ancienne Belgique, ce qui est pour moi la misère totale : tu rentres par derrière, on t'enferme dans un truc, tu peux prendre ta douche, t'as à bouffer et à boire et puis on te fourgue sur la scène...
MarCoR : tu peux même pas aller dans la salle parce (brouhaha) backstage... hé oui ça arrive...
Pompon : la frontière étanche entre les professionnels et le public (brouhaha) t'as pas le droit d'aller au bar...
EsGibt : et je pensais pas à ça, effectivement, chose comique que vous soulevez, c'est qu'alors, tu ne peux même pas aller dans la salle et puis tu te retrouves sur scène et tout le monde wééééé...
MarCoR : ou alors par exemple, autre chose, t'as cinquante bières dans le backstage et tu peux même pas aller au bar...
Smurf : on se sent pas artiste ou musicien... enfin je veux dire en général, là où on joue, j'ai envie de rencontrer les gens que je connais pas encore ou alors ceux que je connais... et les endroits où on débarque et où il y a un public qui rentre par devant et des musiciens qui rentrent par derrière c'est monstrueux quoi. Je crois que Binamé, c'est aussi ce côté là, c'est pas vraiment des stars, c'est pas des musiciens ou des artistes, c'est des gens qui font de la musique, enfin y a pas ce fossé, étanche...
Pompon : enfin, tout le monde se mélange quoi...
EsGibt : oui, la misère, c'est le concert que tu passes dans les backstages, c'est évident quoi.
MarCoR : ouais... et Genève, est-ce que c'était un concert backstage ? Le dernier, hein, le dernier.
Smurf : non, pas tellement.
R-man : ah non, pas du tout, pas du tout...
Binam'... : là, tu mélanges, être crevé par le trajet et te reposer à l'écart de la salle, c'est pas de ça qu'on parle mais d'un système d'organisation qui fige la séparation, qui te bloque dans des rôles et qui interdit les contacts sous prétexte de confort et d'efficacité.
EsGibt : entre le concert complètement à la maison... et style à La Ferme (ndbin : un squat de Genève) où on a fait l'aller-retour Bruxelles-Genève Genève-Bruxelles juste parce que une baraque qu'ils occupaient allaient se faire évacuer et on a joué dans le salon au rez-de-chaussée avec le plancher qui était occupé à onduler prêt à craquer et tout le bazar se serait retrouvé à la cave... et qui n'a pas craqué parce que y a un gars qui a étançonné... ça c'est un des concerts dont j'ai le meilleur souvenir, c'est vraiment le truc dans le salon à la maison, et entre ça et tous les autres types de concerts que tu peux faire, c'est vrai que t'as plein de, tu peux avoir plein de trucs un peu contradictoire qui peuvent... mais le concert sympathique, ça reste quand même le truc basique de proximité.
Smurf : à interpréter avec du recul, quoi, en faisant ça tu joues dans des endroits qu'on aime bien.
EsGibt : et y a des concerts où, sur place, tu te rends compte que y a des trucs antipathiques, des trucs sympathiques et que...
Pompon : si je comprends bien, parfois le public est trompé sur la marchandise, mais parfois vous, en tant que groupe, vous êtes aussi trompé sur la marchandise, vous arrivez quelque part et puis vous vous rendez compte que ça se passe pas du tout comme vous pensiez que ça allait se passer, que justement il y a cette frontière étanche entre les professionnels... en fait les musiciens sont autant baisés que le public...
Smurf : ha oui, à mort, enfin moi, c'est des sensations personnelles, mais ça arrive quoi...
EsGibt : et généralement ça va exactement de pair, pour le public et pour les musiciens...
MarCoR : ça dépend quels musiciens aussi.
Smurf : ouais, mais là on parle bien de nous, là...
Binam'... : et tu peux pas imaginer une espèce de formulaire type avec des questions pour essayer de repérer si le concert va être bien ou pas... t'as toujours une zone de flou qui peut-être assez immense.
EsGibt : mais les coups de téléphone arrive chez nous, déjà, ça c'est important...
Binam'... : oui, mais n'empêche, les coups de téléphone arrive chez toi, mais tu ne sais ce que tu vas rencontrer en y allant que quand tu retournes quelque part ou tu es déjà allé. Et si on avait fait ça depuis le début, on aurait fait tous nos concerts au Foyer de l'ULB. Donc, de fait, il y a des moments où faut prendre une espèce de risque par rapport à ce qu'on te dit... il y a des concerts où tu te dit on va voir mais on ne sait jamais et les meilleurs concerts n'ont pas toujours été les concerts qui étaient prévisiblement les meilleurs, c'est vraiment un truc étonnant, et en plus les meilleurs concerts ont parfois été la suite d'un autre concert dont on aurait pensé qu'il ne valait pas la peine. Cette histoire de réseaux dont on a déjà parlé se construit de manière totalement aléatoire, y a pas de recette...
EsGibt : tu imposes aussi ton truc sympathique en y allant.
Binam'... : ça justement, c'est un de mes regrets, c'est quand on tombe dans un endroit ou les conditions sympathiques ne sont pas réunies et qu'on arrive pas à passer au-delà et à imposer notre truc.
Pompon : parce que le rapport de force n'est peut-être pas en votre faveur, non plus, y a trop d'obstacle.
Binam'... : ça, c'est clair, mais parfois tu te dis qu'on aurait quand même pu un peu bousculer ce truc d'une manière ou d'une autre.
Pompon : dernière batterie de question, là quand tu dis : ouais on savait pas que vous existiez encore. Comment est-ce que vous voyiez... puisque que, hein, dans le rock'n'roll, y a souvent le jeunisme et à côté de ça t'as papy a John Lee Hooker, Screamin'jay Hopkins qui joue encore à l'Olympia de Paris à la veille de crever et qui est toujours autant démentiel. Comment ce que vous vous voyez vieillir en tant que groupe ?
R-man : il est pas mort, Screamin'jay Hawkins, maintenant ?
Pompon : bèh oui, la faucheuse a fini par le rattraper. Justement, je cite le nom de Screamin'jay Hopkins pas par hasard. Parce que ce mec est resté fidèle à son optique jusqu'au bout et a toujours eu un public justement inter générations, aussi bien des jeunes que des vieux, c'est pas... enfin allez voir Chuck Berry, c'est de la nostalgie pour les gens qui ont soixante ans, allez voir Screamin'jay Hopkins un jeune punk peut aller voir Screamin'jay Hopkins.
Binam'... : pouvait !
Pompon : comment ? Enfin pouvait oui...
(rires)
Pompon : comment ce que vous, vous vous voyez vieillir par rapport à ça ? Parce que les Binamé existent quand même depuis quinze ans, ça fait quand même un bail. Enfin, où est ce que vous vous voyez en 2010 ?
R-man : bèh, heu, on verra bien.
Smurf : moi, la musique, elle a pas d'impact sur ma vie.
EsGibt : comment ?
Smurf : je joue beaucoup de musique mais ça va pas avoir encore un impact sur ma tenue, sur quoi que ce soit, sur mes idées.
Pompon : donc, tu peux jouer encore dans vingt ans.
Smurf : oui, ou peut-être pas, parce que... enfin voilà...
Pompon : bon, je veux dire est-ce que les Binamé arrêteraient parce que vous vous diriez un jour en réunion bon on est trop vieux, ou bien est-ce qu'on arrête parce qu'on en a marre de jouer point et c'est pas une question d'âge.
Binam'... : on peut imaginer qu'on soit trop vieux parce qu'on est trop fatigué, parce que ce qu'on fait, on en a parlé au début, ça demande une énergie énorme...
Pompon : et qu'être debout sur une scène avec de l'arthrose, c'est pas évident.
Binam'... : ça je crois que c'est une chose, mais porter son ampli et la sono de temps en temps, parce qu'on est dans un fonctionnement où y a pas de roadies, et on y tient, c'est nous qui portons nos trucs. Là, c'est clair qu'il y a des limites physiques.
Pompon : bèh y faut faire des gosses, comme ça ils porteront vos amplis...
EsGibt : t'as aucune idée quand tu grattes quand t'es occupé à enregistrer tes trucs maintenant de comment ça pourra être écouté par un môme dans dix ans ou dans quinze ans. Mais n'empêche, ce dont on parle, pour moi, c'est clair que j'ai aucun complexe des trucs de différence d'âge de quoi que ce soit et que c'est pour ça aussi qu'un ket de 10 ans comme le papa de 50 berges peut se ramener au concert parce qu'il se reconnaît dans ce qu'on essaye de faire passer. C'est ce qu'on vit et ce qu'on vit ça n'a pas de différence d'âge à partir du moment ou on arrive à parler en même temps de l'école boulot retraite, je veux dire, c'est passer de la prison à la prison en passant par la prison. Une fois que tu parles de ce que tu vis, y a pas de différence d'âge.
Pompon : et donc, vous, vous ne vous posez pas la question de vous dire à ce moment on sera trop vieux pour continuer, c'est pas dans cette logique que vous êtes comme... je me souviens de Pierrot Kenrol, le critique rock historique de Télé-Moustique, qui un jour a arrêté, et quand on lui a demandé pourquoi il arrêtait, bèh il a dit, ça fait quinze ans que je dis que le rock'n'roll st une culture jeune, bèh moi j'ai 35 ans donc j'arrête et il était cohérent par rapport à sa démarche. A mon avis il faisait une grosse erreur en arrêtant mais il s'était coincé dans son propre système jeune. Vous vous êtes pas là-dedans ?
Binam'... : mais je comprends pas ce qu'il dit... allez par exemple, les gens de LTS sont pas jeunes, mais je ne me pose pas la question, tu ne te demandes pas en les voyant pourquoi ils continuent. Ceux que tu citais tantôt sont des gens qui travaillent dans des structures importantes, y a aussi des vieux qui font de la musique dans des structures alternatives ou allez, dans leur famille le dimanche, dans les cafés à la fin de la soirée...
EsGibt : bèh, est-ce qu'il n'y a pas une différence entre...
R-man : y a des guitaristes qui ne jouent plus et voilà, c'est parce qu'à un moment donné ils n'avaient plus le temps ou ils n'avaient plus envie et voilà... les gens font comme ils le sentent et on ne sait pas comment on le sentira dans dix ans ou même dans un an.
Smurf : la réponse, c'est qu'on n'est pas des pros, donc on n'a pas une pension qui nous pend au nez, là c'est un plaisir.
R-man : il n'y a pas de plan de carrière.
Binam'... : il y a une double réponse, on n'a pas envie de durer le plus tard possible et d'un autre côté il n'y a pas de date limite au-delà de laquelle on serait de trop vieux croûtons pour continuer...
EsGibt : tu peux écouter un morceau de quelqu'un qui est mort et qui te touche super fort, qui est peut-être mort il y a plus de trente ans...
Pompon : Woody Goothrie, my guitar kill the fascists !
EsGibt : tout ce que tu veux.
Pompon : il avait ça écrit sur sa guitare folk, my guitar kill the fascists !
Smurf : pas mal !
MarCoR : et il est mort quand ?
Pompon : il est mort dans les années soixante, Bob Dylan est allé à son chevet, à l'agonie.
EsGibt : moi je crois qu'on fait des chansons pour enfants, si on arrive à me prouver qu'on ne fait pas des chansons pour enfants, j'arrête tout de suite. Je crois qu'on fait des chansons pour les enfants qui sont occupés à naître dans le même bordel dans lequel on est maintenant.
Pompon : donc, c'est pas une musique de génération, quoi.
Binam'... : ça, je ne crois pas, vraiment. Si on faisait une musique de génération, on aurait un public générationnel d'une manière ou d'une autre...
Pompon : on revient au public...
Binam'... : oui, mais nos chansons non plus ne sont pas figées dans une époque. Elles n'ont pas toutes été écrites aujourd'hui, enfin, les nôtres ont été écrites aujourd'hui, mais les chansons du disque révolutionnaires sont centenaires ou datent de cinquante ans et elles n'ont pas moins de poids maintenant. La plupart des versions qu'on en connaît ont été interprétées par des gens totalement différents les uns des autres. On connaît la Makhnovstchina par les Bérus mais on la connaît aussi sur un disque paru dans les années 70, pour en finir avec le travail, un disque situ. On connaît d'autres titres par des disques de Marc Ogeret, tout ce qu'il y a de plus respectable, pas du tout rueur dans les brancards dans la manière dont il fait ses disques en tout cas. On connaît les disques des quatre barbus, ça date d'encore avant, dont on ne sait pas très bien d'où ils sortent, c'est une espèce de compagnons de la chanson, non pas les compagnons de la chanson, les types en collant, ce sont les... les Frères Jacques, c'est ça, une espèce de Frères Jacques qui chanteraient des chansons révolutionnaires. C'est pas figé dans une époque, c'est pas figé dans un âge. On est allé voir des concert celui qui a écrit Juillet 1936, Serge Utge Royo, il est vieux, sans doute, mais c'est pas ça qu'on a vu, la question ne se pose pas. Il est soufflant, point.
R-man : ça n'a pas d'importance, aucune espèce d'importance.
EsGibt : c'est vrai, c'est pour ça que je disais tantôt, entre guillemet, je te renvoie la question, enfin pour moi c'est clair qu'à la limite ta temporalité Rock à Gogo qui est un truc qui est sensé se terminer contractuellement parce que la RTBF machin bazar, mais ça n'a aucun rapport avec ce qui se passe, ce qui se produit, etc...
Pompon : bèh moi, si on me pose la question, si on me laisse continuer, tant que je m'amuse bien et que je suis passionné par ça et bien je continue.
EsGibt : oui mais si on te dit Jacques, ton contrat avec la RTBF est terminé, c'est pas pour ça que tu vas arrêter d'écouter de la musique, donc c'est un truc qui est hors, qui fait partie en même temps d'un truc voilà salarié aujourd'hui, et qui en même temps est au delà de ça, et tu vas pas t'arrêter d'écouter de la musique, de lire des bouquins...
Pompon : oui, mais écouter de la musique ou en faire, c'est pas la même chose, je veux dire, être sur une scène, ça implique un investissement quand même plus costaud.
R-man : mais ça c'est une question de capacité physique, si tu n'arrives plus à le faire, tu n'arrives plus à le faire, mais ça, on sait pas dire quand ça arrivera ni même si ça arrivera, ça peut arriver à tout le monde...
Pompon : ou mental, quand tu es fatigué dans ta tête.
Smurf : ouais, y a un moment si tu te dis est-ce que je ne suis pas un guignol sur scène, alors là forcément, là, y vaut mieux arrêter.
R-man : ...mais ça peut très bien ne pas arriver non plus.
Pompon : la preuve, c'est que Machiavel joue toujours.
Binam'... : mais y a des différences de motivation. Quand tu dis que jouer sur scène, c'est pas comme écouter de la musique, je pense que la manière dont on joue sur scène n'est pas très éloignée d'écouter de la musique dans la mesure où on n'en fait pas un boulot. Je vais pas dire qu'on est toujours forcément joyeux quand on part en concert parce qu'il y a toujours des trucs qu'on aurait pu faire à la place pour l'un ou pour l'autre d'entre nous et qu'il y a une sorte d'engagement à le faire par rapport aux autres avec qui tu le fais. Mais on n'en fait pas un truc qui nous prend 24h sur 24h, ni même trois jours par semaines de tournées. Voilà, c'est pas un boulot, c'est un truc qu'on fait pour le plaisir, comme on n'écoute de la musique. Quand ça nous fera un peu plus chier, on fera un peu moins de concert voire plus du tout, et quand on aura vraiment envie d'une série de truc qui nous bouffera énormément de temps, ben on le fera aussi et puis tout ça est fluctuant, dépends des moments, de l'énergie qu'on a à y mettre, ça dépends ce qu'on fait à côté. On peut tout à fait imaginer que le groupe dure très longtemps en faisant très peu de concerts de temps en temps. Tu nous demandais tantôt qu'est-ce qu'on fera au 25 ans, est-ce qu'on referait un concert avec... on a refait régulièrement des concerts avec ceux du début, ou des mélanges, comme ils ne sont pas partis en claquant la porte, c'est possible de dire tiens tu viendrais pas jouer avec nous tel date tel endroit, ça se fait de temps en temps, peut-être que ça ne se fera plus, on ne sait pas. Note qu'on a refait des morceaux avec Laurent pour le disque en wallon de Li Ranteule, et qu'il est prévu qu'on en refasse avec lui un jour ou l'autre. Tout ça est très déstructuré, y a personne qui a un contrat et qui a été viré, remplacé par un autre et dont la place...
EsGibt : y a personne qui est parti en claquant la porte ni non plus en se ramassant une porte dans la gueule.
Pompon : dernière question, parce que la cassette avance, votre ancrage wallon historique. Sur le dernier album, en fait, il y a plein de morceaux en français, il y a une chanson en flamand, et y a aucune chanson en wallon. C'est la question que j'ai oublié de poser ce soir en interview. Y a aucune chanson en wallon, et j'ai été un peu surpris.
R-man : oui, mais maintenant, y a plus personne dans le groupe qui parle wallon à la maison, et y a un flamand.
(rires)
R-man : oui, mais tu rigoles mais les trucs en wallon, c'est Laurent qui les faisait.
Binam'... : mais la chanson dont on parle, celle qui est en flamand, a été pondue à l'époque où...
R-man : c'est pas un vrai morceau en flamand, c'est un morceau qui reste de l'époque...
Binam'... : c'est un morceau qui reste de l'époque où y avait pas de flamand dans le groupe, où y avait encore Laurent qui écrit les textes en wallons.
Smurf : c'est le côté plastique des Binamé, quoi.
EsGibt : comment ? comment ?
Binam'... : qu'est-ce que tu entends par là ? Flexible qui s'adapte à tout ou quoi ?
R-man : non, y a pas de morceaux en wallon parce qu'y a personne qui parle wallon, c'est très simple.
Pompon : c'est une forme de belgitude quoi...
EsGibt : ah non, ça, justement pas.
Smurf : non, ah non, non, c'est pas ça que je voulais dire... Le côté plastique des Binamé, c'est le côté traditionnel. Ouais. Le wallon, c'est bien parce qu'il ne faut pas avancer trop vite et pas perdre des choses qui sont fondamentales. Mais en même temps, on fait pas l'effort d'apprendre le wallon, on le connaît pas quoi. Mais moi, quand je vois un vieux bonhomme qui parle wallon, je trouve ça magnifique, quand je vois un jeune qui parle wallon, je trouve ça...
Pompon : c'est encore plus magnifique
Smurf : bèh oui, il y a deux approches. Putain, j'arrive pas à capter tout ce qui me dit et c'est pas mal c'est chouette, comment ce que ça se fait qu'il parle encore wallon. C'est pour ça que je dit que c'est le côté plastique des Binamé. C'est... on aime bien. Là, je vais parler personnellement. J'aime bien ce côté, j'aime bien les vieux quoi, j'aime bien les vieilles personnes qui parlent wallon mais j'apprends pas ce wallon là parce que j'ai pas le temps.
Pompon : bèh, c'est la vieille formule, chaque vieux qui meurt, c'est une bibliothèque qui disparaît.
Binam'... : c'est important ce que tu dis là parce que, dans le wallon, effectivement, on pourrait voir un attachement un peu stérile à une langue mais y a surtout un attachement à l'histoire de plein de gens qui ont vécu plein de choses, qui ont plein de choses à raconter. C'est pas pour rien que le disque en wallon des Binamé est un disque anti monarchiste, un disque qui rappelle l'affaire royale dont on parle un peu ces temps ci puisque on en est au 50ième anniversaire de l'assassinat de Julien Lahaut.
EsGibt : oui, bèh moi, si je peux casser ce truc jeunes vieux, justement si je vois Jean-Claude Van Cauwenberg qui va se taper trois mots de wallon à la fête je sais pas quoi...
Pompon : quoi, le miniss...
MarCoR : le miniss, un minnissss...
EsGibt : oui, par rapport aux heures que j'ai pu passer avec Von ou quoi, qui... tu vois, tu sens, enfin je veux dire, t'as le wallon qui vient de la réalité de tous les jours, t'es confronté au fait que tu dois bouffer tu dois aller travailler. Et puis, le wallon officiel culturel comme truc culturel séparé de ça.
Pompon : artificiel...
EsGibt : Et bien voilà, là, ce qui nous a intéressé dans le wallon et dans toutes les chansons je crois que les Binamé ont faites, c'est justement ce côté...
(rires)
Binam'... : on se disait que toi, tu n'en as fait aucune...
EsGibt : je n'en ai fait aucune mais j'en ai joué et que je regrette qu'on ne joue plus comme le Black Country Blues et compagnie.
Binam'... : bèh oui... et c'est clair que le wallon est, je vais pas dire récupéré, mais utilisé pour son côté émotionnel par ces vieux briscards de la politique, c'est pas une raison pour oublier qu'il est parlé par des gens qui ont des choses à raconter et avec qui y a des choses à échanger.
EsGibt : exactement.
Binam'... : et un Laurent, le guitariste du groupe qui parle wallon et effectivement a parfois des difficultés à évoluer dans ce milieu culturel wallon qui, quand même, après toute cette époque où le wallon a été brimé maintenant il est au contraire sponsorisé accueilli à bras ouvert, mais à condition de fermer sa gueule...
Pompon : il est vachement bridé
Binam'... : oui tout à fait, il est bridé, il est autorisé mais c'est ce qu'il dit qui est bridé maintenant. Et le wallon comme culture aseptisée est à la mode maintenant mais c'est un peu aussi parce que les vieux sont en train de mourir.
Smurf : moi, j'ai pas l'impression que c'est quelque chose qu'il faut maintenir à fond. De toute façon, le wallon il s'est transformé mais il reste l'accent et de toute façon, y a un esprit. Et dans les Binamé je pense que l'esprit il y est même si c'est des intellos quoi...
Pompon : mais on peut être wallons et intellos.
EsGibt : quand on fait le Black Country Blues, ou je sais pas d'autres morceaux auxquels on pourrait penser en wallon, il est absolument clair pour chacun de nous qu'on pourrait le transposer en français, en flamand, ou en ... et que ce qui importe pour nous, c'est le contenu et qu'il a été écrit dans une manière chansonnable dans la langue dans laquelle il a été exprimé et que ça nous fait plaisir de l'exprimer dans cette langue là mais ce qui évidemment nous motive dans le fait de le chanter c'est ce qui est raconté dans la chanson.
Binam'... : oui, mais je pense que ce qui est raconté a plus de force chanté en wallon, dans la mesure où ce dont il parle, c'est dans un cadre où à l'époque, le français était la langue du pouvoir. Donc, le fait de le chanter en wallon, c'est pas juste un effet, un petit gadget.
EsGibt : mais si t'as le choix d'être pas du tout compris et de le faire en wallon ou de la faire dans la langue dans laquelle tu vas être compris, je crois que tu le feras dans la langue dans laquelle on est compris.
Pompon : mais y a moyen de chanter en wallon et de mettre les paroles en français dans la pochette et sur scène, y a moyen d'expliquer.
MarCoR : y a un lexique, dans le 45t en wallon, y a un lexique.
Pompon : et bien voilà, moi je suis arrivé au bout de mes questions.
Binam'... : bon, on va continuer sans lui.
MarCoR : la cassette est presque finie.
Pompon : non mais attends, là tu as 1h et demie à retranscrire.
Smurf : tu sors les autres cassettes ?
Pompon : bon, on peut aller faire pipi ?
EsGibt : mais quand j'ai été, j'avais la crampe, mais horrible quoi.
(SCROUNCH dans la K7)
EsGibt : L'internationale de quoi, situationniste.
Smurf : il a pas posé la question, avez-vous un peu...
(SCROUNCH dans la K7)
EsGibt : Visiblement la madame, quand elle a dit la même chose et qu'on a pas répondu, elle a comprit la même chose OK, elle a compris la même chose OK.
(SCROUNCH dans la K7)
R-man : si Olivier part, c'est autre chose, c'est plus le même groupe.
MarCoR : oui mais non, mais on peut partir également d'une façon... malheureusement.
Smurf : à la rigueur, y aurait intérêt à ce que ça continue, parce que sinon, ça veut dire que tout notre côté libertaire, c'est de la pffououi.
EsGibt : mais non, mais qu'est-ce que ça veut dire ton côté libertaire...
R-man : ça, c'est pas vrai, ça, c'est pas vrai du tout, ça n'a rien à voir avec le côté libertaire mais ce sera fort différent, ce sera plus différent que Binamé maintenant et Binamé avec Laurent et Raoul.
Smurf : pas libertaire mais alors collectif.
EsGibt : mais non, mais le truc d'avoir envie... moi ça ne me dérange absolument pas que il y en ait un dans un groupe qui fait quelque chose qui porte un peu plus le projet que les autres parce que il le porte. Il assume une espèce de continuité depuis plus d'années et que il porte le truc. Et comme je disais tantôt, ça m'a toujours été très agréable de jouer avec tous ceux qui ont joué dans le groupe et je suis triste de ne plus voir Fabrice, de ne plus voir Azill et je suis triste de ne plus voir tout ceux qui ont joué avec nous et je suis triste de revoir Binam'... qui revient des toilettes. Et que ça ne me dérange absolument pas qu'il y ait une espèce de projet qui nous dépasse comme ça un peu et j'espère que ça puisse me survivre si je tombe maintenant dans le trou du truc ou que 'R-man me pousse sous le tram en sortant du bistrot, je ne demande pas mieux que le groupe continue, donc quelque part, il existe sans moi aussi.
Smurf : mais ouais non, c'est l'autogestion, comment ce qu'on fait pour gérer le...
MarCoR : l'économie sociale, tu veux dire.
Binam'... : MarCoR, s'il te plaît.
EsGibt : mais va pisser quoi.
R-man : tu dois jamais pisser quoi ?
Smurf : l'autogestion, c'est quoi, comment ce qu'on fait pour pas tomber dans le cliché qui a un mec qui est là depuis quatorze ans et qui porte tout parce que c'est normal il connaît jusqu'à vraiment mais au millipet du groupe.
EsGibt : attends, là c'est une discussion qu'on enregistre ou qu'on enregistre pas.
Smurf : oh, je m'en fous.
Binam'... : en fait, c'est une question qu'il a posé plein de fois.
Smurf : plusieurs fois.
Binam'... : quand j'ai lancé sur Internet le truc, on va faire une auto interview mais poser vos questions, y a eu trois quatre questions. Y a eu : quand est-ce que vous allez à Caen ? Y a quelqu'un qui a demandé est-ce qu'EsGibt m'aime autant que je l'aime.
EsGibt : Manu Dash !
Pompon : Manu Dash aime plus blanc.
Binam'... : Et puis y avais la question de Smurf.
Smurf : comment gère-t-on le pouvoir et y a-t'il un leader ?
Pompon : mais moi je dirais par expérience et comme aîné d'une famille de huit.
MarCoR : aïe, aïe !
Pompon : que le plus ancien qui est là, même s'il ne veut pas le pouvoir, il a de fait une sorte de pouvoir parce qu'il est la mémoire du groupe.
R-man : oui, de mémoire et de continuité.
MarCoR : ah ! moi, je suis la mémoire de quoi ?
Pompon : et dans les rares réunions familiales qui sont pas des réunions obligées, justement j'appartiens à une famille où on se voit quand on a envie de se voir, et c'est bien parce qu'on se retrouve à vingt vingt-cinq avec les mômes des frères et sœur et c'est vraiment très gai, mais chaque fois je ressort de là avec un malaise parce qu'on me donne un pouvoir que je ne demande pas, je suis le plus vieux. Enfin, dans l'asbl Pierpont, ces vieux réactionnaires qui continuent à sortir leur bidule, dans le dernier numéro, j'ai vu Jacques de Pierpont, chef de la troisième branche...
Smurf : ah ouais, carrément.
EsGibt : houlala ! aïe ! aïe ! aïe !
Pompon : oui mais attends, ça veut dire quoi ? Je me renseigne, ça veut dire quoi, c'est un truc généalogique, en fait je suis simplement le plus vieux mâle vivant de la branche donc je suis le chef, entre guillemet. Je pense pas que c'est le chef au sens que tu vas imposer... t'es le vieux sage mais quelque part ça te donne un pouvoir
MarCoR : t'es le grand stroumph, quoi.
Pompon : ouais, et je pense que dans un groupe qui existe depuis x années, le gars qui est là depuis le début, bèh comme il a la mémoire, c'est lui qui sait comment c'était au début, mais forcément, il est une sorte de leader informel, mais sans même le vouloir, c'est les autres qui vont venir vers lui euh bon...
Concert de Noël avec René Binamé tout seul à La Grange (113 chaussée de l'Ourthe) à 20h. Paf : 100 BEF.
Concert de Noël avec René Binamé + Pekatralatak (punk terroriste très Béru, si, si) + Mambassa BB (sautillant et ramonesque, un peu Ludwig, un peu Brochette) au Magasin 4 (4 rue du Magasin, metro Yser). Paf : 200/250 BEF. Préventes à BXL chez Rockaway Beat, Caroline et L'Arlequin.
Peut-être René Binamé + un autre groupe au Wagon... à confirmer... sinon, ce sera une autre fois.
Konstroy fait sa fiesta de 18h à minuit et soutient Fréquence Paris Plurielle. Avec René Binamé + Spermicide (punk rock) + Brain Eaters (rauch n roll) + peut-être Dead Pop Club (power pop) plus des surprises plus Tables de presse, info, stand. Entrée 50 FF / conso 10 FF. à l'Espace Sedaine (35 bis, rue Sedaine - 11° - Metro Breguet-sabin ou Voltaire).
Les Slugs + Skalators + Joystix au Cinex (Rue Saint-Nicolas). Entrée : 200 BEF.
Concert de soutien à la Librairie Barricades avec René Binamé + Daniel Hélin à la Zone (27 Rue Méan). Infos au 04-341.07.27 et sur http://users.skynet.be/lazone
Les Slugs + Sharko... à préciser