2012 64

2007 63

2006 62

2005

2004 61 60

2003 59 58 57' 57

2002 56

2001 54' 54 53 52

2000 51 50 49 48

1999 47 46 45 44 43

1998 42 41 40 39 38 37

1997 36 35 34 33 32 31

1996 30 29 28 27 26 23 22 21 20

1995 19 18 17 16 15 14 13 12 11

1994 10 09 08 07 06 04 03

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Aredje 50, octobre 2000

Kestufé du wéékend

Combien de fois avons-nous annoncé la sortie de notre prochain album ? Sais pas... mais cette fois c'est la bonne de bonne.

Qu'on se le dise, la sortie du nouvel album de René Binamé, kestufé du wéékend ?, est imminente. La date est le 1-11-000.

Treize titres enregistrés à la maison et rien que des inédits... tout au plus, les fidèles parmi les fidèles en reconnaîtront-ils l'un ou l'autre déjà interprétés en concert.

Treize titres et comme promis, rien que du de nous, pas la moindre reprise... ni de Eddy Mitchell... ni de Julos Beaucarne... ni même de Plume Latraverse.

Treize titres et pleins d'ambiances : de la chansonnette post-punk, du crust atmosphérique, du ska non festif quoiqu'endiablé, du rock'n'roll sautillant, de l'électro médiéval... et du punk ? (on demandera à Marcor). De la bonne matière première pour pogo chaloupé convivial mâtiné de twist.

Treize titres pleins de voix, de batterie, de guitares, de synthétiseur en chair et en os (si j'ose dire), de Moog virtuel et de buzz.

Treize titres enregistrés par Binam'..., EsGibt, R-man et Fabrice. Smurf n'est arrivé chez nous qu'après l'enregistrement des guitares, évitant ainsi de figurer nu (?) sur la pochette.

Treize titres dont onze (peut-être douze) que nous découvrirons ensemble en vie à Genève à l'Usine le 28 octobre et à Bruxelles au Woodjet le 11 novembre.

Treize titres, les voilà...

1) Kestufé du wéékend ?
2) Quelques mots sur le cirque électoral
3) Tic-Tac
4) Ciao seize coups
5) Où l'on apprend que l'on a tout à gagner
6) An der schönen blauen Hilau (valse de Wiesme)
7) La tondeuse à gazon
8) La machine à laver
9) Bieska
10) He say gay gay
11) Hop là on est repartis
12) Het verkeer is zo druk
13) Kestufe.buz (z)

Et le prix de vente au stand sera de 400 boules (comme d'hab).

Et le prix de vente en magasin sera de 480 bef (comme d'hab).

Et le prix de vente par correspondance sera de 480 francs (comme d'hab).

Et ce sera BANG! qui s'occupera de la diffusion en magasin en Belgique (comme d'hab).

Et en France, en Suisse et au Québec, il sera grosso modo introuvable (comme d'hab)...

Et quand ces questions de sous, de distribution, de vente n'auront plus le moindre sens, nous pourrons enfin vivre...

la première critique

Quelques exemplaires gravés à la maison circulent déjà, dont un à Genève qui nous a valu ce petit courriel, notre première critique :

" J'ai écouté votre disque aujourd'hui (G... me l'a bien refilé) la chanson numéro 5 à failli m'arracher sérieusement des larmes, j'ai du me retenir. Ce morceau est un bijou de naïveté superstimulante (et donc un joyau de réalité future) ".

T... (Boy's don't cry)

Du tac au Tic...

Les expulsés de l'Espace Autogéré de Lausanne répondent aux aticles et courriers des lecteurs dont ils ont été le sujet cet été.

Les squatters face à " l'opinion publique " : quand la vie par procuration, soumise et aigre, remplace la solidarité de touTEs les oppriméEs !

Articles de presse suivis de certaines lettres de lecteurs et lectrices haineuses, le feuilleton de l'été bat son plein. ChacunE se doit d'avoir un avis sur les "squatters". Vive la démocratie médiatique! On vit des événements par procuration avec comme source la presse et quelques on-dit. C'est l'occasion de donner libre cours à toutes les frustrations accumulées par une vie de dur labeur. Car les lettres qui nous dégueulent dessus ne sont pas toutes l'oeuvre de réacs et de fachos. Elles traduisent avant tout un mal être. Vivre sa vie soumisE docilement à l'ordre établi et voir des gens remettre ce dernier en question, y compris pratiquement, même modestement, voilà qui n'est pas facile à avaler. Alors on nous décrit comme des extrémistes sans foi ni loi tout en nous reprochant de ne pas être assez radicalEs et jusqu'au boutistes. Et on continue de vivre par procuration en étant à chaque fois un peu plus aigriEs.

Nous voulons répondre ici à quelques unes des critiques qui nous sont parfois faites, tout en réaffirmant que nous aussi appartenons à cette classe d'êtres humains contraintEs de trimer pour les possédants afin de pouvoir ensuite leur rendre l'argent ainsi gagné sous forme de loyers, d'assurances maladie ou encore lors de "promenades" dans leurs supermarchés lorsqu'il s'agit de se nourrir ...

"Ils ne veulent pas travailler"

Cela ne change rien au fait qu'actuellement nous sommes bien obligéEs de trimer lorsque nous trouvons du boulot. Rappelons aussi que l'Assurance chômage est une assurance comme son nom l'indique et que - outre toute les tracasseries administratives à surmonter - il faut généralement avoir travaillé pour la toucher.

"Ils ne veulent pas payer de loyer"

Les loyers ne plaisent qu'à ceux qui les encaissent, les proprios et l'Etat. Ce ne sont pas ces derniers qui ont construit les maisons mais des travailleurs et travailleuses comme vous et nous.

"Ils vivent aux crochets des autres"

Ce sont les financiers, les banquiers, les boursicoteurs, les patrons, les proprios et l'Etat qui vivent à nos crochets. Ils ont besoin de nous. Nous n'avons pas besoin d'eux.

"Ils sont contre le système mais ils en vivent"

Ce n'est pas parce que nous luttons contre ce système d'exploitation que nous y échappons. C'est le propre des systèmes totalitaires de ne pas laisser d'échappatoire. C'est pourquoi nous pensons qu'il n'y a rien à réformer dans le capitalisme. Il faut le détruire et ce n'est pas une poignée de squatters anarchistes qui y parviendra seule. Nous comptons sur vous!

"Ce sont des marginaux"

C'est une certaine presse qui nous traite de marginaux. Pour notre part, nous ne nous sommes jamais considéréEs comme marginales ou marginaux. Si oser remettre en question le système c'est être marginal, que la marge gagne bientôt toute la page !

"Ils sont contre tout"

Nous sommes contre toute forme d'exploitation.

"Ce ne sont que des égoïstes"

Il est curieux que dans un système qui prône la compétition de tous contre toutes ce soient précisément celles et ceux qui essaient de construire quelque chose collectivement et de mettre en commun le peu qu'ils/elles ont qui soient traités d'égoïstes.

"Ils flemmardent toute la journée"

Nous sommes certes pour le droit à la paresse. Mais si nous flemmardions toute la journée, nous n'organiserions pas toutes les activités que nous mettons sur pied à longueur d'année, et ne déchaînerions pas tant les passions.

"Ils crachent sur les gens qui triment dur tous les jours afin de vivre ou de survivre"

Nous ne sommes pas masochistes et n'avons nullement l'envie de cracher sur nos semblables. Sur les lieux de travail aussi il faut se révolter. Vive la grève, le sabotage...

"C'est trop facile de ne rien respecter"

Ne pas respecter l'ordre établi n'est pas ne rien respecter. Ensuite, si vivre comme nous vivons est tellement facile, nous vous encourageons vivement à en faire autant. Vous y trouverez certainement bien des satisfactions mais perdrez aussi rapidement quelques préjugés.

Quand cessera-t-on de confondre les intérêts de la "société" avec ceux de l'Etat, des patrons et des proprios ?

Campagne à vendre... Le miroir aux illusions

" Qui sommes-nous, nous, pauvres vignerons ? Nous sommes ceux dont chaque espoir s'est traduit par plus de misère. Nous sommes ceux qui, rivés au sol, demandent à ce sol leur pitance. Parmi les gueux, nous sommes les plus gueux. "

Le Tocsin, 7mai 1907, Argeliers, Aude.

En France, les campagnes ont encore occupé la une des médias, à l'occasion de sabotages contre l'implantation des premiers plans de céréales transgéniques, puis du saccage du McDonald à Millau. C'est chaque fois le même scénario : les hommes d'Etat, et les journalistes à leur solde, cloîtrés dans la capitale, affichent à l'ordinaire le plus souverain mépris pour les " ploucs " des provinces, incapables à leur yeux de la moindre initiative autonome. Lorsque le voile du silence est déchiré, ils ressortent les poncifs les plus éculés sur les belles traditions campagnardes de la France. Pour y comprendre quelque chose, mieux vaut abandonner le terrain du spectacle pour nous préoccuper de la réalité.

DANS LE PASSE, la France a été l'Etat le plus centralisé d'Europe, dont la grande majorité de la population était composée de paysans parcellaires. Mais, n'en déplaise aux nostalgiques, le capitalisme a depuis longtemps modifié la structure de la société campagnarde. Elle n'a plus grand-chose à voir, sauf parfois dans quelque vallée enclavée de haute montagne, avec les images d'Epinal. Deux guerres mondiales, puis l'accumulation forcenée du capital dès les années 50, sous l'égide de l'Etat et par le biais des plans d'aménagement du territoire national, l'ont labourée en profondeur.

La manifestation la plus évidente de la modification de la société rurale est la désertification rapide de régions entières. Mais, de façon plus générale, ce sont les formes de propriété, les modes de travail et les façons de vivre qui ont été bouleversés en profondeur. A sa façon, le capitalisme a surmonté l'antique opposition entre la ville et la campagne. Le même délire totalitaire des urbanistes qui détruit les villes reconstitue, sur la base de la désertification, des pseudo-campagnes désormais recouvertes de masses informes de résidus urbains et saignées par les tranchées des autoroutes et des chemins de fer à grande vitesse. A la suite des premières, transformées en centres urbains, les secondes sont devenues pour l'essentiel des zones rurales périphériques dont les locataires n'ont plus grand chose à voir avec les villageois d'antan.

Les paysans parcellaires avaient leurs préjugés. Mais ils avaient au moins le souci de ne pas trop épuiser les sols et les animaux. Ils savaient que leur fertilité n'est pas inépuisable. Ils les laissaient se reconstituer et les aidaient à le faire, entre autres par la rotation des cultures. L'industrialisation de l'agriculture exige, elle, que les sols et les bêtes rendent gorge au plus vite, que la polyculture et l'autosubsistance soient réduites à la portion congrue. Au nom du progrès, les agriculteurs ont perdu dans leur masse le souvenir des savoir-faire et des solidarités villageoises. Ils partagent désormais les représentations réifiées des agrocrates pour qui les sols et les espèces sont les bancs d'essai grandeur nature de manipulations chimiques, voire génétiques. La plupart d'entre eux déversent sans complexe, tous azimuts, leurs éprouvettes géantes bourrées d'engrais, d'insecticides et d'antibiotiques et participent ainsi à la stérilisation de la vie. Sous la houlette de l'Etat via l'Inra et l'école d'agriculture, ils sont devenus des techniciens, puis, avec la spécialisation et la dépréciation du travail, des opérateurs, chargés, entre autres tâches répétitives, de contrôler l'état des cultures et des élevages assistés par ordinateur. Ceux qui sont hostiles au productivisme à outrance et aux nuisances qu'il engendre, qui refusent de produire, de consommer et de faire consommer à autrui n'importe quoi, qui tentent de perpétuer des connaissances et des formes d'entraide communautaire d'autrefois, de les développer sous le label du bio, restent des exceptions.

Les tracteurs ont favorisé depuis longtemps la concentration des parcelles et transformé leurs possesseurs héréditaires en débiteurs à vie du Crédit Agricole, criblés d'hypothèques. Les semences hybrides leur ont porté le coup de grâce. Elles ne permettent pas aux agriculteurs de garder en partie le grain récolté pour réensemencer les champs, ce que les paysans ont fait pendant des millénaires, et encore moins d'améliorer les espèces qu'ils cultivent. Ils doivent les racheter chaque année aux semenciers, qui les fabriquent, eux, par croisement et sélection forcés.

Dans le meilleur des cas, les hybrides sont stériles au bout de quelques années à peine. Dans le pire, dès la première année, telles les variétés de maïs trafiqué qui sont devenues l'une des bases principales de l'alimentation animale et humaine, dans les pays capitalistes avancés du moins. La hausse de la productivité se réalise ainsi au prix de la perte de la faculté de reproduction et de la dépendance accrue des derniers agriculteurs traditionnels aux groupes agro-alimentaires. Adaptées à la monoculture intensive et extensive, les graines hybrides génèrent des plantes fragiles, qui pompent le maximum d'eau et exigent des masses croissantes de pesticides et d'engrais artificiels pour survivre dans le milieu qui leur est devenu hostile. En quelques décennies, l'agriculture céréalière est devenue la vache à lait des trusts, de la Lyonnaise des eaux à Rhône-Poulenc.

DEJA, A L'EPOQUE de la révolution de 1848, Marx soulignait que " la parcelle du paysan n'est plus que le prétexte qui permet au capitaliste de tirer de la terre profit, intérêt et rente et de laisser au paysan le soin de voir comment il réussira à se payer son salaire " (1). Il y a longtemps que les agriculteurs ne négocient plus l'essentiel des marchandises sur les marchés des bourgs, à l'exception des zones reculées et des branches particulières, comme le bio. Les firmes leur fournissent les marchandises à traiter, leur reprennent pour les livrer à d'autres, avant de les revendre elles-mêmes.

Bien sûr, les systèmes contractuels peuvent recouvrir des situations de classe très différentes. Les propriétaires aisés, sinon cossus, qui emploient des salariés par intermittence, en particulier des sans-papiers originaires d'Europe centrale, sont eux aussi soumis à de tels systèmes. En bas de l'échelle, les smicards à façon de l'agro-business possèdent au mieux leur lopin et leur habitation, à titre de propriété nominale. Ils sont soumis à l'une des formes du travail salarié à domicile, faite de labeur acharné, de chômage forcé, de recherche de travaux annexes pour boucler les fins de mois. D'ailleurs, l'activité rurale est de plus en plus déconnectée de l'activité agricole : elle est liée au tourisme, etc. Pour les plus ruinés, les modiques subventions parviennent à peine à couvrir l'entretien de la famille et à assurer l'équivalent du RMI.

Pourtant, dans les campagnes, les représentations et les termes que l'on emploie pour parler de la lamentable situation sont en constant décalage par rapport à ce que l'on subit. Bien peu reconnaissent comme telle leur situation de classe et la plupart s'accrochent encore au mythe de leur fantomatique propriété. Voilà qui fait l'affaire des propriétaires réels de l'agriculture. L'Etat maintient la fiction du libre marché, dans la mesure où, pour les premiers concernés, il est synonyme d'autonomie. Les agro-managers, en versant des salaires aux pièces sous forme de prix, qui plus est indexés sur les prix de marché manipulés par l'Etat et la Commission Européenne, font des bénéfices accrus à moindre frais. On aurait tort de n'y voir que des formes obsolètes condamnées à disparaître. Selon la formule bien connue, le plus archaïque est aussi le plus moderne. Les salaires aux pièces alignés sur les bénéfices de l'entreprise sont aujourd'hui portés aux nues par les apologistes du capitalisme fin de siècle.

BAKOUNINE SIGNALAIT, à la veille de la défaite de la Commune de Paris, que " les mesures réactionnaires du pouvoir central sont, en France, décrétées au nom des paysans. même lorsqu'elles sont prises contre eux " (2). Epaulé par les chefs syndicalistes de la FNSEA, aux origines quelque peu monarchistes et vichystes, l'Etat continue, à chaque crise, à jouer le rôle de protecteur de la paysannerie. En réalité, la modernisation de l'agriculture a bénéficié en priorité aux agrariens qui, par le biais de la concentration des terres et de l'intégration à l'industrie, ont formé des trusts, lesquels contrôlent et dirigent l'ensemble de la chaîne agro-alimentaire, de la production à la distribution, dans l'Hexagone et hors des frontières. En moins de cinquante ans, la France est devenue le premier exportateur d'agro-alimentaire en Europe, le deuxième derrière les Etats-Unis sur le marché mondial.

Avec l'avancée fulgurante du capitalisme high tech, l'intégration accrue à l'Europe, la concurrence déchaînée pour le contrôle du marché mondial, sur fond de surproduction agricole, les choses ne vont pas s'arranger pour les agriculteurs au bord de l'abîme. Le capitalisme français ne peut pas piétiner sur place sous peine de perdre de la distance face à ses adversaires, les Etats-Unis au premier chef. Bien qu'il existe des contradictions entre les Etats européens sur les modalités de la gestion et de la transformation de l'espace commun, ils sont d'accord sur l'essentiel : la concentration de la propriété foncière et la productivité agricole sont encore insuffisantes. En France même, l'Etat, en complicité avec Bruxelles, va limiter à presque rien les mesures d'assistance, indexer encore plus les primes sur les gains de productivité, développer le système de quotas et de mise en jachère obligatoire, etc. Sans hésiter à employer la contrainte. Depuis Napoléon, la gendarmerie a pour rôle traditionnel de quadriller la campagne. Progrès oblige, elle est désormais secondée par les gestionnaires de Bruxelles, assistés de satellites artificiels chargés de surveiller l'application des directives de la Politique Agricole Commune.

Dans cette optique, la mise en oeuvre à grande échelle de la transgénèse apparaît comme la nouvelle Amérique de l'Europe agricole. Les naïfs croient que l'Etat français hésite à le faire encore pour quelque raison humanitaire. Mais depuis plusieurs années, nous ingérons déjà du transgénique, via la lécithine de soja et les dérivés du maïs. En France, les recherches sont poursuivies de plus belle. Elles ont déjà commencé à être appliquées en grand par l'Inra sur les terrains de chasse habituels de la France, en Afrique de l'Ouest. Et la transgénèse permettra de déconnecter encore plus l'agriculture de l'alimentation. Dans l'imaginaire populaire, les deux sont liées. Pourtant, des agriculteurs cultivent déjà des céréales pour alimenter les secteurs de la bioénergie, de la pharmacie, etc. Dans l'avenir, des pans entiers de l'agriculture seront utilisés pour fabriquer des matériaux transgéniques pour l'industrie, telles les semences de colza trafiquées qui génèrent des polymères. Par contre ni l'Europe en général, ni la France en particulier, ne veulent que les Etats-Unis prennent le contrôle du marché agricole européen, par transgénèse interposée, qui joue ici le rôle du cheval de Troie pour renverser les barrières du protectionnisme continental. Tel est le sens des moratoires, des étiquetages et des opérations promotionnelles sur la qualité des marchandises agricoles hexagonales.

DANS LA MARCHE FORCÉE vers la centralisation accrue du capital européen, le rôle dévolu à la France, située au carrefour de l'Europe occidentale, est quelque peu particulier. La variété des reliefs, des climats et des prétendus terroirs doit être mise en valeur bien plus qu'elle ne l'a été jusqu'à aujourd'hui. Il faut donc aménager les régions désertifiées pour les transformer encore plus en parcs et en villages à la française, dans lesquels les ilôtes épuisés des centres urbains pourront déguster de l'authenticité rurale de pacotille, et pourquoi pas, y développer le télétravail. Dans les années 70, les révoltés qui désertaient les mégalopoles espéraient au moins réaliser ailleurs des activités communautaires en rupture avec le monde de la marchandise. Les cadres transplantés, eux, viennent avec leur ordinateur portable et veulent disposer sur place de marchandises dernier cri.

Pour réaliser de tels objectifs, à côté de l'agriculture high-tech ultra concentrée et de l'utilisation de zones ravagées comme poubelles industrielles, la France subventionne l'agriculture et l'élevage de terroir, source de prestige et de lucratifs bénéfices sur le marché mondial, dans lesquelles la bio banalisée, déjà en partie industrialisée et financée par l'agro-alimentaire, jouera le rôle de la bergère. Voilà le sort réservé à la progéniture des derniers agriculteurs : jardiniers de la nature en kit, grooms de gîte d'étape, gardiens de dépôt d'ordures. Mais, dans les plans de répartition de la population, Paris n'a pas oublié celle des mégalopoles. Il compte confier la reconstruction de hameaux en ruine à des " désespérés " des banlieues casernes. Rien de tel que le travail au RMI, en plein air et au milieu des décombres, sous l'oeil de la gendarmerie, pour calmer les esprits échauffés.

POUR LES LAISSÉS-POUR-COMPTE de la modernisation de l'agriculture, la source exclusive de leur malheur est ailleurs : aux Etats-Unis, dans le reste de l'Europe, voire dans la puissance des trusts français. D'où leurs crises de fureur, encadrées par les nervis des leaders de la FNSEA (syndicat agricole), contre les préfectures honnies, symboles du pouvoir central, aux cris chauvins d'avant le déluge " Pays, paysans ". Ils brûlent leurs récoltes et immolent leur bétail, en sacrifice au dieu du marché, dans l'espoir insensé de relever les cours. Tandis que, en coulisses, leurs leaders les écrasent au nom de l'unité paysanne, via le ministère de l'Agriculture et la commission de Bruxelles. Et les plus xénophobes rejoignent les miliciens chasseurs pêcheurs de la Coordination paysanne, créatures du couple vendéen de l'année, de Villiers-Pasqua.

Pourtant, dès Mai 68, des poignées de paysans révolutionnaires tentèrent de rompre avec le mythe de l'unité paysanne. Tels ceux qui furent solidaires des grévistes, en particulier dans la région nantaise, lorsque les ouvriers de Sud-Aviation entrèrent les premiers dans la grève générale. " Nous ne serons pas les Versaillais de Mai 68 " (3), affirmait le tract diffusé dans la ville par l'éphémère Comité de liaison ouvriers-paysans. Dans les années qui ont suivi, les révoltés des villes et ceux des campagnes eurent de nombreuses occasions de lutter au coude à coude, du Larzac à l'opposition à l'implantation des centrales nucléaires et à bien d'autres plans pharaoniques de l'Etat. Quand nous regardons avec recul les luttes de l'époque révolue, il est facile d'y voir bien des naïvetés, le mythe de la vie naturelle hors des métropoles, et des limites, la panacée de la gestion du travail par les travailleurs eux-mêmes, hors du contrôle de l'Etat, qui sous-tendait l'idéologie anti-productiviste de groupes comme Paysans Travailleurs. Il n'en reste pas moins vrai que des paysans radicaux abandonnèrent bien des préjugés, y compris ceux relatifs à " leur " propre propriété, affichèrent leur hostilité à l'Etat et placèrent leurs espoirs dans la montée et la convergence des luttes réelles contre le monde capitaliste.

Au cours des dernières années, les actions subversives menées par quelques ruraux et néo-ruraux incontrôlés qui, pour certains, sont membres de la Confédération paysanne, ont pu faire croire qu'elle allait reprendre le flambeau du radicalisme paysan des années 70. Mais l'influence de la Confédération a grandi, au cours de la dernière décennie, en raison inverse du recul des résistances radicales. Les Sabotages, qu'elle a parfois soutenus du bout des lèvres, dans la mesure où ils lui permettaient d'avoir pignon sur rue, ne reflètent pas les positions de l'ensemble de ses membres qui, pour beaucoup, sont des transfuges de la FNSEA déçus, sans plus, par leurs leaders. Présentée comme l'héritière de Paysans Travailleurs, elle n'en a repris que les travers, amalgamés aux idées à la mode à gauche de la gauche caviar, de la bio pasteurisée à l'écologisme gestionnaire de l'Etat. Sa contestation des dérives génétiques a pu faire quelque peu illusion. Mais elle est toujours restée sur le terrain réformiste du " principe de précaution " et du " moratoire sur la mise en culture et la commercialisation des semences trangéniques ", contrôlés par des " comités d'éthique sur la génétique animale et végétale " (4), placés sous l'égide de l'Etat.

" L'AGRICULTURE PAYSANNE ", qui constitue le noyau de son programme, est le kit idéologique de tous ceux qui en veulent à l'agro-business, pour les motifs les plus divers et, parfois, les plus contradictoires. En théorie, les leaders de la Confédération la définisse comme " l'agriculture qui encourage la qualité, l'emploi par l'installation de nombreux paysans et l'aménagement harmonieux du territoire ", voire " l'autonomie des paysans envers l'agrobusiness " (5). Drôle d'autonomie individuelle, puisque, de leur propre aveu, la réalisation de leur programme n'a de sens que dans le cadre du marché agricole, oxygéné par les aides de l'Etat et celles de la commission de Bruxelles. Rien d'étonnant qu'ils participent aux élections des chambres d'agriculture et talonnent le gouvernement, comme n'importe quels bureaucrates syndicaux, afin d'être acceptés au Conseil économique et social, pour y jouer les conseillers du prince.

En pratique, " l'agriculture paysanne " masque les lignes de fracture réelles dans les zones rurales. Ainsi, les leaders de la Confédération demandent à intervalles réguliers que telle ou telle branche de l'agriculture récupère en partie les bénéfices monopolisés par l'agro-business, sans toucher aux prix de marché, pour ne pas soulever l'indignation des consommateurs. Bien entendu, la chute des cours accélère la concentration de la propriété entre les mains des patrons de la branche. Mais leur augmentation conduira au même résultat Car dans chaque branche, les producteurs ne sont pas sur le même pied. Loin de là. A supposer que la chose soit possible, sous la forme de soutien des cours par l'Etat, la situation des ilotes ruraux ne changera pas pour autant. Les leaders de la Confédération révèlent ainsi leur incapacité de dépasser l'horizon du capitalisme, à reconnaître la permanence de situations de classe très différentes dans les zones rurales, même si elle sont regroupées sous l'appellation non contrôlée et fallacieuse de paysannerie d'origine. En témoignent les modèles d'agriculture paysanne prospère qu'ils portent aux nues et qui servent à faire rêver ceux qui crèvent à petit feu sur leur lopin. Au nom du bio, ils font la publicité de propriétaires qui investissent dans les marchés porteurs, comme les marchandises de terroir à usage des touristes ou destinées à l'exportation, lesquelles sont bien plus vendues dans les boutique de luxe que dans les rayons des supermarchés : foie gras, etc. Bel exemple d'activité paysanne respectueuse de notre milieu que le travail générateur de " bonne bouffe ", qui repose sur les procédés les plus implacables de domestication des volatiles.

Comme d'autres rénovateurs qui ont pris leur distance envers les centrales ossifiées, tel Sud chez les fonctionnaires de I'Etat, les leaders modernistes de la Confédération ont compris que la base traditionnelle du syndicalisme à la papa périclitait, y compris dans l'agriculture, par suite des mutations profondes que connaît, depuis plusieurs dizaines d'années, la structure de classe de la société. C'est le capitalisme lui-même qui scie la branche sur laquelle prenait appui le corporatisme paysan, borné à la défense de la parcelle. Voilà pourquoi les leaders de la Confédération récupèrent en partie les déçus de la FNSEA et cherchent des ouvertures à travers les murs des lopins afin d'élargir leur audience à d'autres couches, urbaines et rurales, y compris hors des frontières, en direction du tiers-monde, pour lequel ils préconisent leur version recyclée de l'autonomie nationale : l'autonomie alimentaire de chaque Etat. Dans l'Hexagone, la lutte contre la " mal bouffe " est le pivot de leur opération promotionnelle. Sous prétexte d'écologie et de respect du citoyen, ils caressent dans le sens du poil le chauvinisme gastronomique bien français et se font l'écho des inquiétudes de franges, encore restreintes, de la population, préoccupées par la dégradation rapide de l'alimentation et l'accumulation des scandales dans le secteur agro-alimentaire.

Là comme ailleurs, il s'agit de recycler les idées reçues qui constitue le fond de commerce de la contestation platonique de la propriété et de l'Etat afin de " légitimer notre rôle d'interlocuteurs incontournables entre le monde paysan et les pouvoirs publics " (6). La Confédération fait du lobbying, au coude à coude avec les champions de la " lutte contre le néolibéralisme ", dans le style de l'Attac. Rien de plus.

PENDANT PLUS DE CENT ANS, toutes les tentatives de subversion du monde, à la ville comme à la campagne, ont buté sur la question de la propriété, en particulier de la propriété paysanne. De la prise de position des campagnes dépendait souvent le sort des grandes grèves dans les villes, voire des insurrections qui y éclataient, comme le montra l'aventure de la Commune de Paris. La famine fut toujours l'une des forces dissolvantes des révolutions urbaines, peut-être plus sournoise et plus dangereuse que la répression de l'Etat lui-même. Pour la surmonter, le rôle des paysans était déterminant : ils détenaient encore la clé des greniers. Voilà pourquoi l'une des préoccupations essentielles des ouvriers insurgés était le ravitaillement de la ville par la campagne et le type d'échanges qu'ils pouvaient mettre en place avec les paysans. Nous savons aussi que les tentatives de résoudre le problème des sources d'approvisionnement de façon autoritaire, par la terreur de la ville sur la campagne, à la mode du Parti Communiste russe, c'est-à-dire par l'expropriation forcée de la propriété traditionnelle sous l'égide de l'Etat, ne fit qu'aggraver la situation.

Désormais, vu les bouleversements accomplis par le capital lui-même dans les Etats les plus avancés de la planète, la question ne peut plus être posée dans les mêmes termes. L'agriculture est devenue pour l'essentiel l'une des dépendances de l'industrie. Il en résulte que la satisfaction des besoins les plus élémentaires de la vie humaine, le boire et le manger, sans même parler du reste, devient de plus en plus problématique.

Des poussées révolutionnaires sont impensables sans le blocage prolongé de secteurs aussi décisifs de l'économie que celui de l'agro-alimentaire. De telles paralysies de la production confronteront bien plus vite qu'autrefois l'ensemble de la population, y compris la population rurale, à l'angoissante question alimentaire. Pour commencer à la résoudre, il est impossible de se contenter d'exproprier les expropriateurs, de remettre en route telles quelles les principales branches de l'économie, l'agriculture en particulier. Sa résolution exige la rupture radicale la plus rapide possible avec l'ancien monde de la propriété, du travail et de l'Etat.

Pour ce faire, les révolutions à venir reprendront à leur compte, et développeront sans doute, des formes d'activité et d'entraide issues de l'histoire paysanne qui n'existent plus aujourd'hui, sous nos latitudes, qu'à l'état de traces imperceptibles. Mais gardons-nous de la nostalgie du passé mythifié, sous peine de retomber dans les ornières de la domestication, qui accompagne la propriété foncière, fut-elle celle du paysan. Sans refonder vite l'ensemble de l'activité humaine sur des bases contraires à celles qui sous-tendent la propriété et l'Etat, sans liquider l'agriculture au bénéfice de modes de culture susceptibles de transformer la nature sans la détruire, la libération des esclaves salariés du joug de l'exploitation et de la domination restera du domaine des voeux pieux.

André Dréan, dans l'Oiseau Tempête n°6

1. " Le 18 brumaire de Louis-Napoléon Ronaparte. " Kan Marx. oeuvres choisies, tome 1, Editions du Progrès.

2. " Lettre à un Français sur la crise actuelle. " Michel Bakounine. oeuvres, tome 2, Stock Plus.

3. " Tract du Comité de liaison ouvriers-paysans ". Cité de mémoire. Document sans doute introuvable aujourd'hui dans des publications.

4. " Technologies génétiques : pour le moratoire sur la mise en culture et la commercialisation, pour l'application du principe de précaution. " Communiqué de la Confédération paysanne, 17 mars 1997, siège de Bagnolet.

5. " Agriculture paysanne : l'agriculture au service de la société. " Communiqué de la Confédération paysanne, 25 mai 1997, siège de Bagnolet.

6. " A nous tous d'être à la hauteur ! " Editorial de " Campagnes solidaires ", du 1er novembre 1999.

DIJON

Compte-rendu de la manifestation anticapitaliste du 7 octobre 2000 à Dijon

Samedi 7 Octobre, à l'occasion du passage de la Caravane Anticapitaliste à Dijon pour une première date après Prague, une manifestation était organisée. Cette manif coïncidait avec le festival " Europolice 2000 " auquel ont assisté pendant une semaine 250 flics de la communauté européennne. Cet événement "convivial" et "rassurant" était censé redorer l'image de la police auprès des populations et mettre en avant les liens existant entre les confrères des différentes forces de répression européennes.

Europolice clôturant une semaine de spectacles policiers avec un concert de la Garde Républicaine à la Mairie de Dijon au moment même de la manifestation, il était pour nous tout naturel de cibler notre action sur le thème de la répression, du contrôle social et d'aller résolument perturber les réjouissances des uniformes.

Après une performance du " Grand jeu de la consommation " (théâtre de rue expliquant de manière parodique le fonctionnement du monde capitaliste et sécuritaire) sous l'oeil attentif et rigolard des passants, quelques 200 personnes partirent en cortège derrière une banderole faisant directement le lien entre luttes anticapitaliste et remise en cause de la police : " Europolice 2000 : le capitalisme se maintient à coups de matraques ", " Achevons la barbarie capitaliste !! ".

Sur le parcours, banques, fast-foods, magasins et panneaux publicitaires furent redécorés à l'aide de bombes de peintures et agrémentés de slogans dénonciateurs. Le mégaphone de la manif fut utilisé pour relater directement aux dijonnais-es diverses histoires, bavures, abus et crimes policiers (merci à " Que fait la Police ? "), ainsi que la répression barbare des manifestations à Prague. Il nous semblait important d'insister notamment sur la criminalisation simultanée des mouvements de lutte anticapitaliste et d'action directe un peu partout en Europe, sans oublier le contrôle social de la population ou encore le renforcement de l'Europe forteresse et de la collaboration entre les polices. La présence d'Europolice à Dijon nous donnait l'opportunité dans le cadre de la Caravane Anticapitaliste d'insister sur le lien direct entre la fermeture des frontières au Nord et l'exploitation des populations des pays du Sud. Nous pûmes aussi commencer à relayer l'appel à partir en trains gratuits pour bloquer le sommet de l'Union Européenne à Nice les 7 et 8 décembre prochains.

Quand la manif se dirigea enfin vers le lieu du concert de la Garde Républicaine en l'honneur des condés, les manifestant-e-s durent faire face à un barrage policier leur interdisant de continuer plus avant. La police dijonnaise, qui craint toujours l'arrivée de militant-e-s libertaires à proximité de la Mairie (notamment depuis l'occupation en fanfare de la Mairie contre l'expulsion des Tanneries cet été) aurait été touchée au plus profond de sa fierté de voir les gueux et gueuses débouler devant les prestigieux collègues européens et gâcher la fête. La rue principale de la ville bloquée par la police, la tension monta, alors qu'un sound-system était installé à l'improviste dans une rue adjacente. DJ Dr. Larry fit vibrer les murs de la ville et danser la section Nik'anticapitaliste'tou et ses banderoles avec une sélection de morceaux de la rue au thème clair: "emmerdons la police !". Après quelques moments tendus et bousculades musclées agrémentées de coups, il fut décidé pour cette fois de regagner la place du bareuzai avant le matraquage général.

Cette manif s'inscrivait dans le cadre de journées " porte-ouvertes et de résistance à l'Espace autogéré des Tanneries ". Elle y fut donc suivie d'un débat le soir même, avant que les punks légendaires de René Binamé ne nous fassent reprendre tou-te-s en coeur leurs hymnes révolutionnaires. De nombreuses personnes de Dijon et d'ailleurs étaient présentes pour voir la caravane et fêter la renaissance d'un squat décidément indestructible.

Ci-dessous, le tract sur Europolice distribué aux dijonnais-es lors de la manifestation :

Europolice 2000 : festival du contrôle social et de la répression !

Dans notre belle société industrielle où la marchandise est déifiée, il apparaît comme vital de la protéger, et par conséquent le grand public supporte la police comme un " mal nécessaire " à la bonne marche du système capitaliste, de la propriété privée et du travail salarié. Pourtant les uniformes visibles aux carrefours ne sont que la dernière expression d'un conditionnement, d'un contrôle social, d'une aliénation consentie par la population vis à vis de la société marchande.

Fichage, flicage, numéros : contrôle social omniprésent et autogestion de la discipline.

Dès l'enfance, nous subissons le matraquage de codes sociaux qui tentent de nous enfermer dans un rôle précis. Par la publicité, la télévision, l'école, la propagande officielle nous définit le bien et le mal, la conduite à tenir et les buts à atteindre dans ce monde dit "LIBRE"... De plus, grâce à la sécurité sociale, au R.M.I, au système bancaire, nous sommes surveillés au travers de fiches numérotées qui permettent d'observer notre comportement, notre type de consommation donc notre mode de vie. Grâce aux " formidables avancées du progrès technologique " nos déplacements même, que ce soit en voiture ou à pied, sont placés sous l'oeil des caméras vidéos. Plus qu'un contrôle effectif, la vidéo-surveillance nous habitue à une omniprésence du contrôle et donc conditionne nos comportements individuels. Nous devons autogérer notre discipline ! Et gare aux déviances...

Le discours officiel regorge de la paranoïa sécuritaire et l'état répond aux crises d'angoisse générées dans la population par des effets médiaticodictatoriaux : Plan vigipirate et autres îlotiers ou police de proximité. Sommes-nous sous Pinochet que nous voyons patrouiller des militaires dans le métro parisien ?

Subversion et criminalisation.

La barbarie généralisée suscite malgré tout quelques flammes de résistance, individuelle ou collective, politisé ou non. Mais de plus en plus l'ordre social criminalise les soubresauts de toute expression divergente. Outre l'instauration d'une main-d'oeuvre esclave dans le système carcéral, c'est aussi toute l'implication politique remettant fondamentalement en cause les bases de la société marchande qui se retrouve face aux matraques. Nous ne prendrons pour exemple que les termes utilisés dans les derniers conflits sociaux (chômeurs et précaires, sans papiers, etc.) : terroristes, sauvageons, casseurs, barbares, etc.

Europolice et Europe Forteresse

La construction européenne organise la circulation des marchandises. Mais les néons publicitaires de la société industrielle attirent les "moustiques", les "parasites" vivant en périphérie du monde moderne. Or les gueux effraient, la peur du pillage génère la coopération des états donc des polices ! Il semble alors que l'Europe des polices soit le moyen de construire une Europe forteresse se protégeant des pauvres du Sud et de l'Est tout comme certains quartiers bourgeois s'entourent de murs et de milices privées pour se protéger des pauvres de l'extérieur. Le progrès technique dynamise le fichage grâce aux systèmes informatiques enregistrant les empreintes digitales, les demandes de visas, etc.

La prison : un supermarché comme un autres.

Une société tellement encadrée, réglementée, normalisée, codifiée crée des illégaux. De plus en plus la privation effective de liberté augmente. La prison gère une main-d'ouvre obligée de travailler pour l'industrie si elle veut survivre dans cet univers déshumanisé. De plus les codes dominants de la consommation y sont assenés et répétés. La télévision et les catalogues d'achat ne sont pas l'apanage des foyers douillets !

Une société interdisant toute aventure fait du renversement de cette société la seule aventure possible !

Prague...

Où certains découvrent ce dont la flicaille est capable pour peu qu'on lui lâche la bride. Un article paru dans Le Monde du 5 octobre.

Plusieurs témoignages de participants à la manifestation contre le sommet de la Banque mondiale et du FMI, à Prague, le 26 septembre dernier, font état de graves violences policières contre certains d'entre-eux. Une plainte devait être déposée devant le tribunal européen des droits de l'homme.

En se rendant à Prague, le 26 septembre dernier, pour participer au grand raout contre la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) qui tiennent sommet dans la capitale tchèque, Jean-Philippe Joseph est à mille lieues de se douter qu'il va y vivre les plus pénibles moments de son existence. Professeur d'économie dans un lycée nîmois et sympathisant de la Coordination pour un contrôle citoyen de l'Organisation mondiale du commerce, Jean-Philippe est accrédité pour débattre du rôle des deux institutions financières dans un des nombreux forums qui jalonnent le contre-sommet.

Pacifiste dans l'âme, il se joint à un sitting devant le Centre des congrès de la ville qui accueille les participants -officiels et cravatés ceux-là- au sommet. Tout se déroule sans heurt jusqu'à ce qu'un congressiste tente de forcer le passage. La réaction des forces de l'ordre ne se fait pas attendre : pluie de matraques sur la tête des manifestants. Pris de panique, le jeune professeur, qui vient de fêter son 30e anniversaire, s'enfuit en courant. Mais la police ne tarde pas à le rattraper et le jette dans un fourgon avec 16 autres compagnons. Il est 18 heures. " Jamais je n'avais vu de regards aussi méprisants et haineux que ceux de ces policiers en noir qui nous hurlaient dessus. Ils nous insultaient constamment, nous menaçaient du poing, et nous frappaient dès que nous voulions parler", témoigne Jean-Philippe qui a mis une semaine à sortir de sa torpeur et oser raconter. Arrivé au commissariat, interdiction formelle de passer le moindre coup de fil et refus catégorique de la présence d'un avocat. Premières violations des droits élémentaires de tout détenu.

Après 24 heures entassés à six dans des cellules de 15 m2, une nuit à même le sol et sans couverture, les " prisonniers " sont conduits vers le centre de police pour étrangers de Prague, où ils rejoignent d'autres manifestants arrêtés. " J'ai vu cinq personnes qui avaient été battues ", rapporte Jean-Philippe. Parmi elles, Joshua Tzfarfati, un étudiant en médecine franco-israélien qui avait fait le déplacement depuis Israël, non pas pour manifester, mais pour assurer une assistance médicale aux protestataires. " Il était sérieusement amoché au visage et avait visiblement des côtes cassés ". Ce que confirme Bertrand Schmitt, membre d'Amnesty International, qui a recueilli les propos des deux Français après leur libération, le vendredi 29 septembre, par le Consul de France en République tchèque: " Il était dans un état déplorable : cocard à chaque oeil, marques aux poignets et aux jambes, hématomes au ventre, eschares aux pieds. Il est évident qu'il a été roué de coups par les policiers tchèques ". Et Jean-Philippe de poursuivre selon les témoignages des collègues de cellule de l'étudiant : " Ils l'ont mis face au mur et lui ont donné des coups de pieds dans les jambes jusqu'à ce qu'il tombe. A terre, ils lui ont tapé dessus à coups de pied, à six, puis ils l'ont pris par les cheveux et lui ont frappé le visage au sol. Le tout a duré 40 minutes ".

Mais ce qui a le plus choqué l'observateur d'Amnesty, ce sont les numéros qui étaient inscrits à l'encre bleue sur toute la longueur des bras des deux détenus. Car le troisième jour de détention, dans la nuit de jeudi à vendredi, Jean Joseph et Joshua sont de nouveau déplacés avec d'autres détenus. Vers le centre de détention pour étrangers clandestins de Balkova. Le voyage est mouvementé : deux personnes sont enfermées " par jeu " dans une cage au fond du bus. A deux heures du matin, " la porte du bus s'est ouverte sur un camp de prisonniers, une vraie prison à l'américaine, avec barbelés et murs très hauts (.) Un policier a hurlé mon nom. Il m'a donné une pile d'affaires (pyjama quadrillé façon Vichy !) et m'a indiqué en criant la direction de la douche avec son tofa. On m'a écrit le numéro 2678 sur l'avant-bras au marqueur, n'oubliera pas Jean Joseph, J'ai pensé à ce que j'avais lu des survivants des camps de concentration, à leur stratégie : n'être personne, ne pas attirer le regard ".

Peu de temps après, les désormais prisonniers se sont vu spécifier que tous leurs droits étaient suspendus et qu'ils allaient rester incarcérés entre 24 heures et 180 jours ! Heureusement, dans un moment de lucidité, Jean Joseph avait réussi à dissimuler son téléphone portable et à prévenir des amis français. Le vendredi après-midi, le Consul de France venait libérer les deux Français.

Depuis, Joshua, qui a rejoint les Pays-Bas, se terre dans le silence ; Jean Joseph, lui, est bien décidé à parler. " J'ai eu l'impression d'être un sous-homme face à des tortionnaires, lâche le jeune homme, ils avaient des réflexes de SS ". Face au peu d'empressement des médias traditionnels à relayer l'affaire, la cyber agence de presse france.indymedia.com a lancé un appel à témoin en ligne à destination de tous ceux qui ont été emprisonnés à Prague, pour déposer une plainte devant le Tribunal européen des droits de l'homme. Le jeudi 5 octobre, à 18 heures, un rassemblement était prévu devant l'ambassade de la République tchèque, avec en tête de cortège Jacques Gaillot et Albert Jacquart du collectif Droit Devant ! Mot d'ordre : " faire pression sur le gouvernement tchèque afin qu'il libère les -derniers- manifestants emprisonnés et qu'il poursuive les tortionnaires ".

Stéphane Mandard...

BXL, la flicaille tue

La politique d'expulsion de l'Etat belge a tué Ferri Xhedvet.

Dans la nuit du 12 au 13 octobre, 9 personnes ont tenté de s'échapper du centre 127bis. Les autorités belges ignorent où sont passés quatre d'entre eux. Quatre autres ont renoncé à la liberté pour appeler les gardiens au secours: le neuvième évadé était gravement blessé.

Un gardien a fait remarquer qu'il ne fallait pas faire bouger Ferri Xhedvet, car on risquait d'aggraver une blessure ou de rendre une fracture irréparable. Mais les gendarmes ont eu une autre idée: passer les menottes au blessé et le tirer par les pieds vers un cachot. C'est au cachot que mourra Ferri Xhevet. Des fonctionnaires de l'État belge ont activement accéléré la mort d'un homme. Le Ministre de l'Intérieur les couvre.

Chaque jour, le gouvernement belge procède à 20 expulsions par avion, à l'aéroport de Zaventem. Pour atteindre un tel chiffre, il faut une équipe formée à rude école. La gendarmerie de Zaventem est sa propre école. Elle développe des techniques que les skinheads ne désavoueraient pas. Ligoter un homme blessé et le tirer par les pieds pour l'amener dans un cachot: il faut du sang froid pour le faire!

La commission de l'intérieur du sénat a été avertie en 1998 par le Bureau Central de Renseignement (BCR) de la présence importante de militants d'extrême-droite dans l'équipe de Zaventem (en charge également du centre fermé). Cette information publique n'a pas été démentie ni suivie d'effet, même après le meurtre de Semira Adamu et le marquage d'un numéro à l'avant-bras des 74 Tsiganes déportés vers la Slovaquie, toujours par les gendarmes de Zaventem. Cette équipe et ceux qui l'organisent, jusqu'aux ministres de l'intérieur successifs sont jusqu'à ce jour impunis parce que leurs méthodes sont la conséquence de la politique du gouvernement en matière d'asile et d'immigration: ils expulsent. Ca ne se passe jamais doucement ces choses-là.

Le Collectif de Résistance aux Centres Fermés et aux Expulsions appelle à se rassembler ce samedi à 18h devant le centre 127bis pour manifester de la sympathie aux amis de Ferri Xhevet et communiquer à tou(te)s les détenu(e)s un message de solidarité et de résistance.

Nous exigeons:

la suppression des centres fermés

la fin des expulsions

des papiers pour tou(te)s

Collectif de Résistance aux Centres Fermés et aux Expulsions

2 ans après la mort de Sémira

L'impunité actuelle (2 ans après) dont bénéficient les assassins de Semira Adamu a des effets très concrets.

À trois reprises au moins (dont deux fois explicitement par les gendarmes de la cellule "rapatriements" de l'aéroport) le souvenir du crime a été utilisé comme arme de terreur vis-à-vis de réfugiés destinés à la déportation.

Le 25 janvier 1999, les gendarmes de Zaventem ont failli tuer Fatimata Mohamed (Sierra-Léone) en maintenant une forte pression sur son abdomen et en lui prodiguant le "coup du lapin". Avant cela, ils l'avaient menacée de lui faire "comme à Semira" et lui avaient fait subir un rituel de mort, lui présentant un document (en néerlandais, langue qu'elle ne lit pas) et un stylo rouge avec le commentaire "you will sign for your own death". Pendant qu'ils la torturaient, Fatimata a pu crier ce qui a permis l'intervention de passagers. Elle a ensuite été traînée, quasi inconsciente, dans l'escalier de l'avion dont elle a fait une chute.

Le 9 novembre 1999, les gardiens du centre fermé de Bruges ont passé à tabac et étouffé Nancy Ntumba (Congo). Après la visite d'un groupe de députés à qui elle relatait les conditions très dures de sa détention et le caractère illégal de celle-ci (deux décisions judiciaires de mise en liberté avaient été prononcées mais elle restait enfermée), elle a été agressée par une dizaine de gardiens qui lui ont attaché les mêmes lanières en plastique qui servent à ligoter les déportés à l'aéroport et l'ont étouffée. Elle dit avoir frôlé la mort par manque d'oxygène. Le vice-directeur est venu la trouver dans la cellule d'isolement pour lui expliquer le motif de la sanction : elle avait parlé à des responsables politiques.

Le 29 décembre 1999, les gendarmes de Zaventem ont fortement violenté Prince Obi (Nigeria). D'abord placé plusieurs heures en cellule, les mains menottées derrière le dos et les pieds ligotés, il a résisté lorsque 4 gendarmes ont commencé de le conduire vers l'avion. Ils l'ont traîné jusqu'à l'appareil, puis donné des coups de pieds et de ceinture. Prince a continué de se débattre et le pilote a refusé la poursuite de l'opération. Les gendarmes sont venus le trouver dans la cellule après cette séance pour lui dire qu'il avait intérêt à se souvenir de ce qui était arrivé à Semira Adamu, car la semaine suivante il serait à nouveau conduit dans l'avion, cette fois par 5 gendarmes.

Le meurtre de Semira n'a pas été seulement commis par des gendarmes. Dirk Vandenbulk (SP), membre du cabinet du ministre de l'intérieur de l'époque Louis Tobback, semble avoir exigé d'eux - au nom du ministre - qu'ils expulse nt la jeune fille "coûte que coûte". Ce présumé criminel de bureau a été choisi par le gouvernement arc-en-ciel pour présider la commission de régularisation, ce qui en dit long sur l'état d'esprit qui continue de régner au ministère de l'intérieur.

L'affaire Semira Adamu est donc loin d'avoir été un simple épisode, encore moins un moment d'alarme dont on pourrait dire que "plus rien ne sera ensuite comme avant". Le meurtre est un outil de torture psychologique utilisé contre d'autres sans-papiers. La complicité probable d'un "spécialiste" ne l'empêche pas de poursuivre une sombre carrière.

Extrait de la liste de diffusion du CCLE...

nos concerts

Samedi 28 octobre - 20h30 - GENEVE (CH)

René Binamé + Brigada Flores Magon + Les Partisans + Pekatralatak au Kab de l'Usine (4 place des Volontaires). Paf : 10 frs suisses. Infos au 022.781.40.57

Vendredi 3 novembre - WAISMES

Les Slugs + Mambassa Blouz Band.

Samedi 11 novembre - JETTE (BXL)

René Binamé + Vanilla Coke + Vive la Fête.

Vendredi 26 janvier 001 - NAMUR

Les Slugs + Skalators + Joystix à 20h au Cinex (Rue Saint-Nicolas). Entrée 200 BEF.


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